C’est une opération antiterroriste de très grande ampleur qui a eu lieu, dans la nuit de lundi 8 à mardi 9 mai, à la gare du Nord, à Paris. Motif : s’assurer que trois individus fichés S (pour « sûreté de l’Etat ») ne se trouvent pas à bord d’un train en provenance de Valenciennes (Nord).

Peu avant minuit, la gare a été évacuée pour permettre à la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et à des équipes de déminage de fouiller ce train. Les accès à la gare par le parvis, ainsi que les bouches de métro adjacentes, avaient été bouclés. Selon un journaliste de l’AFP sur place, des policiers casqués et fusils d’assaut sortis tenaient position. Les métros et les RER passant par cet important nœud ferroviaire ne marquaient, quant à eux, plus l’arrêt. L’opération dite de « levée de doute » s’est achevée peu avant 2 heures du matin.

Diffusion « irresponsable » des fiches de police

A l’origine de cette opération, la diffusion, jugée « irresponsable » selon plusieurs sources, des fiches de police d’individus recherchés, sur Twitter, par Jean-Paul Ney, « journaliste » aux méthodes controversées. Au soir de l’attaque sur les Champs-Elysées, le 20 avril, M. Ney avait déjà diffusé sur Twitter l’identité d’un ressortissant belge, signalé par les services belges comme pouvant se rendre à Paris le jour même pour y commettre un attentat. Mais erreur : l’homme est en Belgique à ce moment-là, et se rend de lui-même au commissariat à Anvers pour démentir la rumeur qui a explosé à son sujet sur la Toile.

Samedi 6 mai, à 20 h 54, Jean-Paul Ney publie sur son compte officiel le profil de trois hommes, deux ressortissants belges et un Afghan. Trois hommes signalés le même jour par des services de renseignements – notamment belges – à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en raison du fait qu’ils « pourraient rejoindre la France pour y perpétrer un attentat au nom de l’organisation Etat islamique ». La diffusion de ce type de fiches aux services de police permet en principe d’organiser les recherches de manière discrète, de façon organisée, sans risquer de mouvements de panique. Tout le contraire de ce qu’il s’est passé.

En effet, durant le week-end, les trois hommes ont été signalés à plusieurs endroits du territoire, notamment du côté de Marseille, en gare de Bordeaux Saint-Jean, et même dans le Cantal à peu près au même moment… L’opération de « vérification » à Bordeaux, sur la base d’un signalement émanant de la SNCF, a pu se faire dans une relative discrétion, précise une source policière. Mais gare du Nord, lundi soir, ce fut impossible.

Un signalement « extrêmement circonstancié »

Les services de police sont intervenus sur la base du signalement « extrêmement circonstancié », selon une source policière, d’une employée de la SNCF. En se connectant sur son compte Facebook, une guichetière de Valenciennes tombe sur les fiches des individus qui circulaient sur les réseaux sociaux. Elle croit alors se souvenir avoir repéré plus tôt dans la journée, vers 18 heures, trois hommes suspects venus lui acheter des billets de train pour Paris.

Elle est « formelle », il s’agit bien d’eux. Elle ajoute que l’un d’eux était agité et qu’un autre a insisté pour acheter un billet avec un autre nom que celui signalé. Elle donne même l’heure du train : il s’agit du TGV partant de Valenciennes à 21 h 15, arrivée dans la capitale à 23 h 11.

Des signalements farfelus, les services de l’Etat y sont régulièrement confrontés, mais celui-ci paraissait crédible. Interrogé par Le Monde, mardi 9 mai au matin, le ministère de l’intérieur a préféré ne pas commenter, par principe, la diffusion de ces fiches, et rappeler le niveau de menace de toute façon au plus haut, en France, avec au moins une demi-dizaine d’attentats déjoués depuis janvier.