Des supporters du Paris-Saint-Germain, à Paris, en 2016 (photo d’illustration). | KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Un slogan scandé dans les tribunes d’un stade peut-il être privatisé ? C’est la question qu’a examinée, mercredi 10 mai, la troisième chambre civile du tribunal de grande instance de Paris, avec en arrière-plan la relation tumultueuse du Paris-Saint-Germain (PSG) et de ses supporters. Au cœur de cette question presque philosophique, « Ici c’est Paris », chant bien connu des habitués du Parc des Princes. Le club de football parisien, qui utilise déjà la formule sur certains produits dérivés, souhaite pouvoir l’exploiter comme une marque et cherche à se l’approprier.

Le slogan est détenu par Défense des droits des supporters, une association qui n’en fait pas commerce et refuse que le club se l’accapare à son seul profit. Après avoir tenté de déposer la marque en mai 2015 auprès de l’Office européen d’enregistrement des marques, le PSG avait souhaité en racheter les droits auprès de l’association, qui a refusé ses offres. Le club a lancé en décembre 2016 une procédure en justice pour « déchéance de marque », considérant que cette dernière n’était pas exploitée.

« Après avoir purgé les associations de supporters, le PSG entend récupérer à son compte leurs codes », attaque dès le début de sa plaidoirie Jean Aittouares, l’avocat de l’association. Défense des droits des supporters a hérité de la marque lors de la dissolution de Supras Auteuil 1991, l’association qui en avait déposé les droits en 2008. Cette dernière a été dissoute en 2010 dans le cadre du plan Leproux, qui visait à pacifier les tribunes du Parc des Princes, alors en proie à des violences entre groupes de supporters ultras.

« Il existe des centaines de comptes Twitter ou Facebook “Ici c’est Paris” », déclare l’avocat Jean Aittouares

De nombreux membres de l’association sont des anciens de ces groupes dissous. « Pour eux, le débat n’est pas de savoir si cette marque est exploitée ou pas. Leur seul but est que la marque ne soit accaparée par personne, avertit Me Aittouares. Ils sont d’accord pour que le club l’exploite, dès lors qu’il ne se l’accapare pas. »

Pour Claire Bertheux-Scotté, l’avocate de la partie adverse, le club fait simplement valoir ses droits sur une marque pour laquelle le « public fait tout de suite le lien avec le PSG ». « L’association a pris cela comme une attaque contre les supporters, alors qu’on est dans une affaire classique de déchéance pour une marque qui n’est plus exploitée », répond-t-elle.

« Association exsangue et sans ressources »

Plus exploitée ? « Il existe des centaines de comptes Twitter ou Facebook Ici c’est Paris” », réfute Jean Aittouares. Et si la marque n’est plus utilisée commercialement, « c’est parce que le club a tout fait pour que l’association de supporters ne puissent plus l’utiliser : ils n’ont plus de locaux, sont interdits de stade… »

Le PSG pense que l’association pourrait tirer profit de la marque par le biais d’Internet si elle voulait faire valoir ses droits. « Mais c’est une association exsangue et sans ressources, poursuit Jean Aittouares. Pour vendre sur Internet, il faut un site Internet, une plate-forme en ligne, faire produire… » Sans argent, une exploitation, même minime, est impossible.

Autre argument de l’association : « Ici c’est Paris » est de toute manière une marque faisant appel à un patrimoine commun, celui de la ville de Paris. « Le PSG ne peut s’accaparer un élément qui pourrait servir dans l’absolu de slogan à la ville de Paris ou à d’autres clubs », avance Me Aittouares. « On n’a pas de preuves de l’usage généralisé de cette expression, lui rétorque Me Bertheux-Scotté. On est dans un cadre purement économique. Heureusement que déposer un slogan n’est pas une atteinte à la liberté d’expression. » Le délibéré est fixé au 6 juillet.