James Comey a été limogé mardi 9 mai par le président américain Donald Trump.(AP Photo/Carolyn Kaster) | Carolyn Kaster / AP

Cent-neuf ans de cohabitation, et au moins autant de sujets de bisbilles. Mais entre le Federal Bureau of Investigation (FBI) et le pouvoir exécutif, les relations se sont brutalement tendues, mardi 9 mai, après que la Maison Blanche a rendu public le limogeage du directeur du Bureau, James Comey, dont le mandat, commencé en 2013, était pourtant censé courir jusqu’en 2023.

Une décision politique qui n’est pas sans précédent, mais qui témoigne des rapports souvent heurtés entre pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire.

  • Le directeur du FBI, « un employé sous les ordres de l’exécutif »

Le Bureau of investigation (BOI), première forme du FBI, a vu le jour en 1908, à l’initiative du département de la justice, dont il devient la branche première d’enquête concernant le renseignement intérieur et la sécurité nationale. Jusqu’en 1972, les directeurs du FBI sont nommés par le procureur général.

Cette tradition prend fin à la mort de J. Edgar Hoover, après une période record de quarante-huit ans à la tête de l’institution. Le légendaire directeur du Bureau avait en effet amorcé en 1968 une réforme de sa chapelle, qui donnera lieu à un changement majeur : la nomination du directeur est désormais faite par le chef de l’Etat, et confirmée par le Sénat. En 1976, une loi vient également préciser le terme du mandat : dix ans non renouvelable.

Cette durée peut toutefois être interrompue à tout moment, puisque les textes permettent aussi au président de renvoyer le directeur du FBI, ou au Congrès de lancer une procédure d’« impeachment », c’est-à-dire une « mise en accusation » en vue de son renvoi. Dès lors, le poste de directeur du FBI devient « un employé sous les ordres de l’exécutif », expliquait ainsi à Newsweek Scott Bomboy, du Centre national de la Constitution. « Il ou elle sert la volonté du président ».

  • Le cas Nixon et le « saturday night massacre »

A peine informée du limogeage de James Comey, la presse américaine, à l’image du New York Times, n’a pas manqué d’établir un « écho avec le Watergate », et notamment un épisode entré dans l’Histoire comme le « massacre du samedi soir ».

Le 20 octobre 1973, le président Richard Nixon avait en effet demandé la mise à pied du procureur indépendant spécial chargé d’enquêter sur le vaste scandale d’espionnage politique qui ébranlait son pouvoir, Archibald Cox. En réaction, le procureur général et le sous-procureur général avaient annoncé leur démission, provoquant une vaste polémique sur les abus de pouvoir du président Nixon, accusé d’entrave au travail de la justice.

Officiellement, c’est pour restaurer « la confiance » dans le FBI que Donald Trump a décidé mardi de limoger James Comey. Un choix justifié par un mémo de Rod Rosenstein, le vice-ministre de la justice, qui revient notamment sur la gestion jugée mauvaise du dossier des e-mails d’Hillary Clinton.

Mais beaucoup d’observateurs soulignent surtout le lien avec l’enquête menée par le Bureau sur les liens éventuels entre le camp Trump et et les hackers russes, accusés d’avoir déstabilisé la campagne de la candidate démocrate. Quarante-quatre ans après le scandale du Watergate, beaucoup voient ainsi des analogies entre deux pouvoirs exécutifs accusés d’interférences avec la justice pour s’éviter des problèmes.

Malgré ce parallèle, la presse souligne toutefois que Richard Nixon n’a jamais renvoyé le directeur du FBI en 1973. Malgré ses tentatives de faire échouer l’enquête, le 37e président des Etats-Unis avait dû démissionner le 9 août 1974, anticipant une destitution quasiment inévitable.

  • Clinton et le premier limogeage « contraint »

Dans les faits, le cas de James Comey ne souffre que d’un précédent. En juillet 1993, Bill Clinton fut le premier président à limoger le directeur du FBI, William S. Sessions. Ce dernier, nommé en 1987 par le précédent président, Ronald Reagan, était en effet sous le feu des critiques, accusé d’avoir largement abusé des largesses de son institution.

Selon des révélations de presse, William S. Sessions s’était évertué à réduire sensiblement le montant de ses impôts, avait réalisé plusieurs voyages personnels aux frais du FBI, mais aussi utilisé de l’argent public pour cercler son domicile d’une clôture à 10 000 dollars (9 200 euros).

A plusieurs reprises, le directeur du FBI avait été poussé vers la sortie par le département de justice, mais restait accroché à son poste. Sur les conseils de la procureure générale de l’époque, Janet Reno, Bill Clinton avait donc usé de son pouvoir de limogeage. « En aucun cas nous ne pouvons souffrir d’un déficit d’autorité à la tête d’une agence aussi importante que celle du FBI », avait justifié le 42e président des Etats-Unis.

Une décision qui avait fait nettement moins de bruit que l’annonce réalisée par Donald Trump. A l’époque, le New York Times écrivait ainsi :

« Malgré le ton sévère adopté par le président, c’est à regret qu’il a été contraint de décider de relever M. Sessions de ses fonctions. Jusqu’au bout, il espérait un accord de raison au sein du département de justice. »