Barack Obama au sommet Seeds and Chips, à Milan, le 9 mai. | ALESSANDRO GAROFALO / REUTERS

« Tiens, j’ai oublié ma cravate… » Hormis ce détail, appuyé par un clin d’œil au moment de monter sur scène, chemise blanche largement ouverte, rien à signaler. L’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama, n’a pas bougé d’un iota, et c’est avec le mélange de décontraction et de professionnalisme qui aura été la marque de ses huit années à la Maison Blanche qu’il a livré ses « remarques » dans le cadre plutôt inattendu de Seeds and Chips, le sommet mondial de l’innovation alimentaire, mercredi 9 mai, pour sa première prise de parole officielle en Europe depuis son départ du pouvoir en janvier.

L’annonce de sa présence, il y a un peu plus d’un mois, par Marco Gualtieri, l’organisateur de la manifestation, avait provoqué dans toute la région milanaise une attente fébrile. Deux années après le succès spectaculaire de l’Exposition universelle, dont le thème était « Nourrir la planète », Milan réaffirmait sa position de capitale européenne de l’innovation alimentaire, tout en démontrant une fois de plus sa capacité à faire parler d’elle.

Les amateurs d’anecdotes en auront été pour leurs frais : Barack Obama ne s’était pas rendu à Milan pour faire des confidences. Durant l’heure et demie qu’aura duré son intervention – devant 3 000 personnes ayant payé de 650 à 850 euros pour l’entendre –, à peine aura-t-il livré quelques impressions sur sa nouvelle vie, débarrassée des lourdes contraintes de sécurité – « je peux me promener partout, maintenant, à condition d’accepter de m’arrêter pour un selfie tous les deux pas » –, et son projet « pour les dix prochaines années » de favoriser l’émergence de nouvelles générations d’acteurs politiques. « Mon apport principal serait d’assurer qu’un jeune homme de 20, 21 ou 25 ans puisse commencer à être actif dans le monde », a-t-il déclaré.

« L’impact des vaches »

Pour le reste, il déviera très peu de son propos, le futur d’une planète confrontée, dans le siècle qui vient, au double défi de nourrir 10 milliards d’êtres humains et de juguler le réchauffement climatique. Après les remerciements d’usage – et un salut appuyé à l’ancien chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, présent dans la salle –, l’ancien président fait monter sur scène Sam Kass, son ancien cuisinier et conseiller sur les questions de nutrition : « Il a joué un rôle très important dans la campagne pour une alimentation saine menée par ma femme Michelle », explique-t-il à l’assistance pour le présenter. C’est lui qui se chargera d’animer la discussion.

« J’avais fait de la lutte contre le changement climatique ma priorité », rappelle l’ancien président, avant de souligner l’importance de l’alimentation dans ce combat décisif : « La production de nourriture est la troisième cause d’émissions de CO2, souligne-t-il. Les gens comprennent bien l’impact des gaz d’échappement sur le réchauffement. Mais pas celui des vaches, par exemple… » L’enjeu est d’autant plus important que l’émergence de nouvelles classes moyennes impatientes d’adopter le mode de vie occidental, partout dans le monde en développement, ne peut qu’accentuer le problème.

Dans ce domaine, Barack Obama affiche sa foi dans les initiatives locales et individuelles, rappelant que les questions agricoles, aux Etats-Unis, sont celles sur lesquelles démocrates et républicains savent traditionnellement le mieux s’entendre pour trouver des solutions. Sans se départir d’un optimisme indéfectible, fondé sur sa confiance dans les potentialités des innovations technologiques : « Il faut une action audacieuse, et la bonne nouvelle c’est que la science progresse encore plus vite qu’on le pensait », notamment dans le domaine des énergies renouvelables.

« Il y aura toujours des Etats
comme la Californie »

L’accord sur le climat de Paris, conclu fin 2015 ? Barack Obama en fait un des acquis les plus importants de son action, particulièrement grâce à la volonté de la Chine et des Etats-Unis de donner l’exemple. L’arrivée à la Maison Blanche, avec son successeur Donald Trump – dont le nom n’a pas même été cité –, d’une administration ouvertement climatosceptique, n’est à ses yeux qu’une péripétie.

« Il y aura un débat utile aux Etats-Unis, mais la bonne nouvelle est que le secteur privé a pris conscience que le futur est dans les énergies propres, les investissements vont dans ce sens, a-t-il assuré. Et puis, même si les lois vont sans doute changer à Washington, il y aura toujours des Etats comme la Californie qui chercheront à imposer des normes très exigeantes. » Où l’ancien président démontre que les contre-pouvoirs qui ont tant entravé son action durant sa présidence pourraient bien devenir, dans les prochaines années, les meilleurs alliés des défenseurs de l’environnement.