L’agence de sécurité sanitaire alerte sur les risques liés aux huiles minérales et incite les fabricants à adopter de nouveaux procédés. | MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Pâtes, riz ou lentilles sont des produits de consommation courante a priori sains. Pourtant, selon la manière dont ils ont été conditionnés, ils pourraient être particulièrement nocifs pour la santé. Dans un avis publié le 9 mai, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé que les emballages alimentaires en papier et en carton étaient contaminés par les huiles minérales qu’ils contiennent. Présentes dans les encres et les adhésifs, elles se répandent naturellement dans les aliments au contact de l’emballage.

Deux catégories d’huiles, constituées d’hydrocarbures, sont dans le collimateur des experts : les MOAH (Mineral Oil Aromatic Hydrocarbons) et les MOSH (Mineral Oil Saturated Hydrocarbons). « Compte tenu du caractère génotoxique et mutagène mis en évidence pour certains MOAH, l’Anses estime qu’il est nécessaire de réduire en priorité la contamination des denrées alimentaires par ces composés », écrit l’Agence dans un communiqué.

Avant de mener des études complémentaires pour déterminer la composition exacte de ces huiles minérales, les auteurs du rapport appellent les fabricants à agir pour « limiter l’exposition du consommateur ». Comme première mesure, l’organisme public suggère « d’utiliser des encres, colles, additifs et auxiliaires technologiques exempts de MOAH dans le procédé de fabrication des emballages en papier et carton ».

Composants toxiques dans les encres et les colles

Les contenants fabriqués à partir de matières recyclées sont particulièrement surveillés par l’agence, qui évoque une « forte contamination » à leur sujet, due aux composants toxiques qu’ils contiennent, comme les encres et les colles. Les supports imprimés sont considérés comme l’une des principales sources d’huile minérale dans les emballages recyclés.

L’Anses incite le secteur de l’impression à chercher les moyens de changer ses méthodes de production pour utiliser des produits dépourvus de MOAH. En fait, c’est le procédé de recyclage tout entier qui est à scruter à la loupe pour comprendre à quelles étapes sont introduites des huiles minérales.

Pour finir, les experts de l’Agence recommandent de renforcer les emballages en y intégrant des barrières étanches aux flux de MOAH et de MOSH. Ils suggèrent l’utilisation de revêtements comme le plastique PET, l’acrylate ou la ployamide. L’amidon est une des pistes de recherche possibles, son efficacité est aussi à l’étude.

« C’est un rapport que l’on attendait depuis plusieurs années. Nous avons interpellé les industriels ainsi que les ministères concernés. Ils étaient sensibles à la question mais attendaient l’avis de l’Anses », explique Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch, une ONG de défense des consommateurs née en 2002 après la crise de la vache folle.

Engagement de la grande distribution

En octobre 2015, Foodwatch avait testé une centaine d’aliments de grande consommation en France, en Allemagne, et aux Pays-Bas. 60 % de ces produits contenaient des MOAH. Forte de ces résultats, l’ONG a lancé une pétition en ligne demandant à la Commission européenne la mise en place de normes pour « fixer des limites strictes à la quantité d’huiles minérales présentes dans les aliments et imposer l’utilisation de barrières adéquates pour tous les emballages en papier et carton. » En 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait de son côté jugé l’exposition aux MOAH « particulièrement préoccupante ».

« Notre objectif est clair : nous voulons obtenir une décision au niveau européen. Nous pensons que cela peut bouger très vite, car les choses sont en train d’évoluer », résume Mme Jacquemart.

La situation commence effectivement à évoluer. En novembre 2016, six enseignes de la grande distribution (E. Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Casino et Système U) se sont engagées à réduire les niveaux de MOAH et de MOSH dans les produits de leurs marques. « Nous avons décidé d’utiliser des encres végétales sur nos dix-huit cents références. Le but est de ne pas contaminer nos produits mais également de ne pas envoyer d’emballages contaminés dans les circuits de recyclage », explique Hervé Gomichon, directeur du groupe Carrefour. Les quarante-trois produits qui ne contiennent aucune barrière entre le paquet et les aliments, comme les paquets de pâtes, sont désormais également constitués de fibres vierges.

Une norme allemande fait pour l’instant office de référence. Les produits finis ne doivent pas contenir plus de 2 mg/kg de MOSH. Aucun taux de MOAH ne doit être détecté. Un premier pas avant que la France ne légifère. « Il est urgent que les autorités publiques prennent des mesures, sinon nous sommes à la merci des engagements volontaires des uns et des autres. », conclut la directrice de Foodwatch.