Créée en 2001, la Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM) est devenue l’un des rendez-vous essentiels pour la marionnette contemporaine à l’échelle mondiale. Sa 9e édition, qui a débuté le 9 mai pour s’achever le 2 juin, s’étend pour la première fois en dehors de Paris à Pantin et à neuf autres communes d’Ile-de-France (Aubervilliers, Bagnolet, Boulogne-Billancourt, Choisy-le-Roi, Gennevilliers, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Stains). Quinze lieux franciliens partenaires s’associent cette année aux trois structures coorganisatrices de la manifestation : Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette (Paris 5e), la Maison des métallos (Paris 11e) et la Ville de Pantin (Seine-Saint-Denis). Avec pour objectif principal de montrer la grande richesse et créativité à l’œuvre dans les arts de la marionnette, quelle que soit la forme scénique adoptée (marionnettes portées ou sur table, automates, mannequins, théâtre d’objets, théâtre de papier, d’argile ou d’ombres, performances, installations, vidéo, etc.).

Loin d’être indifférents au monde dans lequel ils vivent, les artistes de la trentaine de spectacles présentés s’interrogent sur des thématiques très actuelles comme l’exil et la place des réfugiés ou l’engagement face à la montée des extrêmes et des totalitarismes, ou encore le rôle de chaque individu dans la société. Ainsi, les créations proposées durant le premier week-end de la BIAM, les 13 et 14 mai, qu’elles viennent de France, de Belgique, d’Italie, de Suisse ou du Québec, donnent à voir un univers sans cesse menacé de sombrer dans le chaos, qu’il soit d’ordre intime, comme pour le couple d’oligarques décadents formé par Agnès Limbos et Thierry Hellin, qui s’accroche désespérément à ses privilèges dans Axe (théâtre d’objets) ou pour l’épouse Ella Gericke obligée d’usurper l’identité de son mari dans Max Gericke ou pareille au même, une nouvelle création de Jean-Louis Heckel (La Nef – Manufacture d’utopies) ou d’ordre plus collectif, comme la guerre omniprésente dans Le Retour à la maison, de Gilles Blaise et Yannick Pasgrimaud (Marmite Production), ou la montée du totalitarisme et de l’uniformisation de la pensée, dans Rhinocéros, une adaptation de la pièce d’Eugène Ionesco (marionnettes portées et sur table) par la compagnie des Hélices et le Théâtre des marionnettes de Genève (TMG).

« Rhinocéros », d’après Eugène Ionesco par la Compagnie des Hélices et le Théâtre des Marionnettes (TMG) de Genève. | © CAROLE PARODI

A la recherche d’une terre d’asile

Plusieurs autres spectacles programmés d’ici au 2 juin mettent en scène l’exil de ces milliers de migrants, hommes et femmes, qui fuient leur pays natal pour diverses raisons (la guerre, la crise économique, la répression politique, etc.) à la recherche d’une terre d’asile où poser leurs valises. C’est le cas, entre autres, de J’y pense et puis…, du Tof Théâtre (Belgique) avec Antoine et Gaby, deux marionnettes portées, des déménageurs d’un genre un peu particulier, d’Unknown Land, de la compagnie néerlandaise Het Houten Huis, autour d’une femme qui débarque avec ses valises dans un étrange pays tout en origami, Une poignée de gens, un spectacle en déambulation proposé par le Vélo Théâtre avec une succession de tableaux mouvants autour des thèmes du bonheur et de l’errance, Quelles têtes ? La mort, l’amour, la mer, du collectif Le 7 au soir ou encore A, une installation en images et musiques, de la compagnie Skappa ! & associés.

Parmi les autres sujets contemporains plutôt graves abordés au cours de cette Biennale, citons encore le commerce des armes avec Gunfactory, de la compagnie belge Point Zero et les camps de concentration avec l’oppressant et poignant spectacle d’Andy Gaukel (Etats-Unis et Québec), Schweinehund.

La caravane rouge de Praline Gay-Para et Maëlle Le Gall. | © CIE PAVÉ VOLUBILE

Rêve et réalité

D’autres spectacles, proposés dans le cadre de la BIAM, sont destinés en priorité à un jeune public (dès 2 ans) : Découpages, théâtre d’ombres et de papier autour de l’univers de Hans Christian Andersen par la compagnie italienne, le Teatro dei Piccoli Principi ; A2pas2laporte, théâtre d’objets et d’images, par le collectif Label Brut, sur la peur de grandir ; Le Pavillon des immortels heureux, de Marcelle Hudon et Maxime Rioux (Québec), qui met en scène un mystérieux orchestre formé par d’étranges automates ; Ils s’en fichent, une histoire d’amour amusante autour de la différence et de l’acceptation de soi, par Barbara Steinitz et Björn Kollin.

Enfin, cette manifestation, qui a l’atout majeur de s’installer dans la durée, est aussi l’occasion de découvrir des créations et événements inclassables comme les deux productions de la compagnie belge Le CORRIDOR, La Maison vague (spectacle musical et théâtre d’objets) et Les Images flottantes (récit-performance) ; la caravane rouge, transformée en petit théâtre ambulant, de Praline Gay-Para et Maëlle Le Gall (compagnie Pavé Volubile) avec les six histoires courtes de Lisières ; un ciné-concert mêlant l’univers musical de Gregaldur et celui visuel du cinéaste russe Garri Bardine ; une exposition de petits théâtres de papier découpés dans des revues anciennes proposée par Cécile Briand (compagnie Tenir debout) ; un étonnant mélange de jeux d’optique et de papier plié pour rendre hommage au mathématicien Alexandre Grothendieck et au romancier-dessinateur Alfred Kubin dans un spectacle baptisé Rêves et motifs, par la compagnie Les Rémouleurs, fondée par Anne Bitran et Olivier Vallet. Du rêve, c’est peut-être précisément le dénominateur commun de cette dernière catégorie de spectacles, comme une sorte de réponse en miroir à la réalité sombre dépeinte dans d’autres créations. Rêve et réalité, les deux facettes d’un mois tout entier placé sous le signe des marionnettes.

9e Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM), jusqu’au 2 juin. A Paris, Pantin et neuf autres communes d’Ile-de-France. Tél. : 01-84-79-44-44. Tarifs différents en fonction des lieux et des spectacles.