La guerre commerciale entre Pékin et Washington n’aura pas lieu. En tout cas, pas tout de suite. Alors que Donald Trump n’a cessé depuis son élection de dénoncer les pratiques déloyales de la Chine en la matière, les deux pays ont annoncé, jeudi 12 mai, être parvenus à un accord qui devrait faire retomber les tensions de ces derniers mois.

Un peu plus d’un mois après la rencontre entre MM. Trump et Xi Jinping, le président chinois, à Mar-a-Lago (Floride), Pékin et Washington ont réussi à lever un certain nombre d’obstacles qui empoisonnaient jusque-là leurs relations commerciales. L’accord bilatéral prévoit ainsi l’ouverture des frontières chinoises aux exportations américaines de bœuf et de gaz naturel. Il est également question de faciliter l’accès au marché chinois des fournisseurs de moyens de paiement électronique américains. Les approbations des autorités chinoises concernant le secteur des biotechnologies et des organismes génétiquement modifiés (OGM) devraient être accélérées.

En sens inverse, les Etats-Unis se sont engagés à lever les barrières sur les importations de volaille en provenance de Chine et se disent prêts à accueillir plus d’investissements directs de la part des entrepreneurs chinois. Ce sujet avait fait récemment l’objet de polémiques, Washington considérant que certains rachats par des sociétés de l’empire du Milieu constituaient une menace pour la sécurité des Etats-Unis.

60 % du déficit total

L’accord a été qualifié par le secrétaire au commerce américain, Wilbur Ross, de « réalisation herculéenne », soulignant que jamais autant de progrès n’avaient été accomplis « au cours de toute l’histoire des relations commerciales sino-américaines ». Et M. Ross d’ajouter : « Normalement les accords commerciaux sont conclus après plusieurs années [de négociations], pas en quelques dizaines de jours. »

Ces annonces visent à répondre aux promesses faites par Donald Trump pendant la campagne électorale et depuis son élection de s’attaquer à la réduction du gigantesque déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine. Un déséquilibre qui a atteint 347 milliards de dollars (319 milliards d’euros) en 2016, soit 60 % du déficit total. Cette situation aurait ruiné l’industrie américaine et détruit des millions d’emplois, affirme M. Trump, qui s’est servi de cet argument pour marteler son discours populiste. Toutefois, la plupart des économistes estiment que l’augmentation de la productivité et de l’automatisation constitue la cause principale de la chute de l’emploi dans l’industrie.

Mais le discours offensif du président américain ne s’était pas encore réellement traduit dans les faits. « Jusqu’à présent, la stratégie de cette administration dans les échanges commerciaux s’est résumée à des tweets confus de 140 caractères, à des messages ambigus et à des annonces exagérées comportant très peu de substance », raillait encore jeudi Ron Wyden, le leader démocrate au sein de la commission sénatoriale du commerce, lors d’un débat au Congrès.

Un marché de 2,5 milliards de dollars va s’ouvrir aux éleveurs américains

A ce stade, il est difficile d’évaluer les effets concrets de cet accord. Dans le passé, des négociations avaient abouti sur le papier sans être suivies d’effets. Concernant la viande de bœuf, c’est un marché potentiel de 2,5 milliards de dollars qui va s’ouvrir aux éleveurs américains à partir du mois de juillet. Les importations en provenance des Etats-Unis étaient interdites depuis 2003, officiellement par mesure de précaution concernant la propagation de la maladie de la vache folle.

L’accord prévoit également un assouplissement substantiel des procédures d’agrément pour les semences contenant des OGM. Une décision qui devrait booster les exportations d’entreprises comme Monsanto, Sygenta et Dow Chemical. Par ailleurs, les négociations dans le domaine du gaz devraient ouvrir de nouvelles perspectives aux producteurs américains, qui multiplient les dépôts de permis pour construire des installations dans le but d’exporter des produits liquéfiés. Les Etats-Unis pourraient ainsi redevenir un exportateur net de gaz, ce qui n’est plus arrivé depuis les années 1950.

La Chine, elle, cherche à s’approvisionner en gaz pour réduire sa dépendance au charbon, qui pose des problèmes de pollution de plus en plus criants. Cependant, cette possibilité d’exporter du gaz naturel n’est pas vue d’un très bon œil par quantité d’industriels américains, gros consommateurs de cette énergie, qui craignent que cela conduise à une augmentation des prix et donc de leurs coûts de production.

Enfin dans le secteur des paiements, l’accord devrait faciliter l’expansion en Chine de Visa et MasterCard, qui piaffent depuis des années pour entrer sur cet immense marché qui leur restait en grande partie fermé malgré un contentieux devant l’Organisation mondiale du commerce tranché en leur faveur.