L’annonce faite jeudi soir 11 mai par un porte-parole des mutins ivoiriens ne plaît pas à tous les soldats. Quelques heures après une cérémonie présentant un représentant des mutins ivoiriens annonçant le renoncement à leur exigence du versement de primes et la fin de leur mouvement, des soldats sont descendus dans les rues d’Abidjan et de Bouaké, vendredi 12 mai, en tirant des coups de feu en l’air pour marquer leur mécontentement.

Au Plateau, quartier d’affaires d’Abidjan, les rues menant au camp militaire Gallieni de l’état-major des armées ont été bloquées dans la matinée par des mutins. Ces militaires en colère réclament le paiement du reste de leurs primes promises en janvier. Pendant la journée, des tirs étaient entendus régulièrement, sporadiques et en rafales.

A la mi-journée, devant l’entrée de l’état-major des armées, des discussions houleuses ont eu lieu entre les mutins et la garde républicaine, avant que celle-ci soit refoulée par les militaires en colère. Dans le reste de la ville, les Abidjanais continuent de vaquer à leurs occupations.

« Nous voulons notre argent maintenant ! En janvier, on a reçu 5 millions [de francs CFA] mais le président nous avait promis 7 millions de plus. Et hier soir, nous avons découvert que nos délégués nous avaient trahis ! Nous ne voulons pas renoncer à notre argent, une parole donnée est une parole donnée ! La crise du cacao, ce n’est pas notre problème », s’énerve un mutin rencontré devant le camp militaire. Un autre estime qu’ils ont été « poignardés dans le dos ».

« Nous n’étions pas au courant de l’accord qu’ils ont manigancé avec le pouvoir. Nous aimons le président, le pays, mais nous souffrons tandis que les généraux, les colonels mangent les milliards qui nous sont dus », estime-t-il.

La veille, une cérémonie inattendue en présence du président Alassane Ouattara et d’un sergent mutin et plusieurs soldats avait acté la fin des contestations qui touchent la Côte d’Ivoire depuis le début de l’année. Organisé sans la présence de la presse et diffusé en différé après montage, l’événement se voulait un point final au mouvement de protestation de l’ensemble des forces de sécurité, alors que le pays est durement touché par l’effondrement des cours du cacao, qui ont vidé les caisses de l’Etat.

A Bouaké, les camps militaires « sous contrôle » des mutins

L’annonce de la fin du mouvement a aussi ranimé la colère de certains soldats stationnés à Bouaké qui ont dénoncé l’accord. « Les tirs, c’est pour faire entendre notre mécontentement », explique un mutin dans la deuxième ville du pays, selon qui « tous les camps militaires de la ville » sont sous leur contrôle. « Nous ne voulons pas déstabiliser le pays, explique-t-il, mais on ne peut pas nous dire que la Côte d’Ivoire est pauvre. On nous parle de la chute du cacao pour ne pas nous payer mais pendant des années Gbagbo, avec une Côte d’ivoire coupée en deux, a payé les fonctionnaires, et ses hommes étaient mieux traités que nous. On nous a demandé d’attendre pendant trois mois et là on nous dit de laisser. Nous voulons notre argent c’est tout. »

Selon un autre mutin, très remonté, les représentants des soldats ont mis leur famille en danger en acceptant de renoncer à leurs revendications sur le versement de primes. « Parmi nous, certains ont pris des crédits pour acheter des maisons et maintenant nous avons les commerçants à qui l’on a emprunté sur notre dos, témoigne-t-il. On ne peut pas se moquer de nous car c’est nous qui avons en charge la sécurité du pays. Personne n’est derrière nous, mais si le président ne veut pas nous payer, on a qu’à le remplacer et mettre quelqu’un qui pourra le faire et gérer ce pays. »

Depuis la crise qui a secoué le pays entre 2002 et 2011, la Côte d’Ivoire jouit d’une forte croissance économique, mais la mutinerie de janvier a souligné la persistance de profondes divisions héritées de la guerre civile, notamment dans l’armée, où cohabitent anciens combattants rebelles et ex-soldats loyalistes.

En janvier, les soldats, pour la plupart d’anciens rebelles favorables à Alassane Ouattara, avaient pris le contrôle de Bouaké. Face à l’ampleur du mouvement qui faisait tache d’huile dans le pays, le gouvernement avait accepté de se plier à certaines exigences.