Isabelle Kocher, directrice général d’Engie, en mars, à la Défense. | ERIC PIERMONT / AFP

Une page se tourne pour Engie. Le groupe d’énergie a annoncé, jeudi 11 mai, qu’il est entré en négociations exclusives avec le britannique Neptune Energy pour lui céder son activité d’exploration-production d’hydrocarbures. Une étape importante dans son plan de cessions de 15 milliards d’euros prévu sur 2016-2018 – surtout dans les énergies fossiles – pour recentrer sa stratégie bas carbone sur les renouvelables (éolien, solaire…), la fourniture de gaz et les services d’efficacité énergétique.

Engie indique qu’il a « reçu une offre ferme et irrévocable » pour la vente de sa participation de 70 % dans sa branche Exploration & Production International (EPI), héritée de l’ancien Gaz de France. Neptune, qui est soutenu par les fonds d’investissement Carlyle et CVC Capital Partners, devrait aussi racheter les 30 % d’EPI qu’Engie avait cédé en 2011 au fonds souverain chinois China Investment Corporation (CIC), qui prendra 49 % de la société britannique.

L’activité d’exploration-production est valorisée 4,7 milliards d’euros pour 100 %, dont 1,1 milliard d’euros de provisions pour le démantèlement des installations sortis du bilan. L’opération devrait permettre au groupe de réduire sa dette nette de 2,4 milliards d’euros, qui était de 24,8 milliards d fin 2016. Cette filiale, qui emploie 1 622 salariés, a extrait 148 000 barils équivalent pétrole, dont les deux tiers de gaz, et dispose de réserves estimées à 672 millions de barils.

Surtout actif en mer du Nord

Engie n’est pas parvenu à devenir un poids moyen dans un monde de poids lourds où Total pompe 2,5 millions de barils par jour. Gaz de France s’était lancé dans cette activité au début des années 2000. Une stratégie confirmée lors de sa fusion avec Suez en 2008. GDF Suez affichait alors l’objectif de produire environ 10 % des volumes de gaz qu’il commercialisait.

Il y a encore deux ans, le responsable d’EPI, Didier Holleaux, indiquait que le groupe visait 1,2 milliard de barils équivalent pétrole de réserves pétrolières et gazière à « moyen et long terme ». Des discussions avaient même été engagées avec des pétroliers, notamment le groupe canadien Talisman, finalement racheté par l’espagnol Repsol.

Engie est surtout actif en mer du Nord (Royaume-Uni, Norvège, Pays-Bas, Allemagne), mais il possède aussi des hydrocarbures en Indonésie, en Egypte et en Algérie. Dans ce pays, aux relations historiques avec GDF depuis le début des années 1960, il conservera « une participation de 30 % dans le projet gaz de Touat, en Algérie [centre] », précise le groupe.

Renoncement aux ambitions dans le nucléaire

Cette transaction, qui doit être finalisée au premier trimestre 2018, permet au groupe dirigé par Isabelle Kocher d’avoir réalisé ou engagé 70 % son programme de cessions de 15 milliards. Engie réduit encore un peu plus son empreinte carbone et son exposition aux fluctuations des marchés de l’énergie. « Avec la clôture de cette transaction, les activités contractées et régulées représenteront plus de 85 % de l’excédent brut d’exploitation d’Engie, permettant ainsi au groupe d’atteindre l’objectif fixé pour fin 2018 et d’améliorer son profil de risque », a commenté Mme Kocher.

Le virage stratégique d’Engie amorcé en 2016 s’est également traduit par la vente des centrales électriques au charbon aux Etats-Unis pour 4,1 milliards d’euros, ainsi que la cession ou la fermeture d’autres installations fonctionnant à la houille (Australie, Pologne, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas).

Si elle tourne le dos au charbon et au gaz de schiste, avec la revente en mars de ses licences d’exploration outre-Manche, Mme Kocher a aussi renoncé à toute ambition dans le nucléaire. Sa filiale Electrabel continuera d’exploiter ses sept réacteurs en Belgique jusqu’en 2025, mais Engie a tiré un trait sur le Royaume-Uni, en revendant à son partenaire Toshiba ses 40 % dans le projet NuGen. Et il est peu probable qu’il poursuive son aventure nucléaire en Turquie.

La réduction de la voilure dans les énergies fossiles permettra à la fois le désendettement du groupe, mais aussi de nouveaux investissements dans les énergies bas carbone. Engie a prévu une enveloppe de 16 milliards d’euros d’ici à 2018 pour rester un des leaders mondiaux de la transition énergétique.