Le défenseur français  Antonin Manavian défie l’attaquant canadien Travis Konecny, jeudi 11 mai à l’AccorHotels Arena de Paris. | Petr David Josek / AP

Le rythme effréné du championnat du monde de hockey sur glace – sept matchs de poule en onze jours – ne laisse aucun répit, pas le moindre délai pour se remettre de ses émotions. A peine les Français viennent-ils de réaliser leur rêve, recevoir le géant canadien, jeudi 11 mai, dans la compétition reine de ce sport après les Jeux olympiques d’hiver, qu’ils se projettent déjà sur la rencontre du lendemain face à la Biélorussie, à l’AccorHotels Arena de Paris. Et cette fois, ils n’auront pas le droit de s’incliner, comme la veille (3-2), même sur la plus étroite des marges. La victoire est obligatoire pour espérer atteindre les quarts de finale.

Alors qu’il leur reste trois matchs à disputer, les hommes de Dave Henderson, provisoirement sixièmes de leur groupe de huit, doivent impérativement empocher trois points pour recoller ou dépasser le groupe de leurs concurrents, Suisse, République tchèque (qu’ils affronteront dimanche avant la Slovénie le lendemain), Norvège et Finlande. Lanterne rouge de la poule après quatre défaites, la Biélorussie, 9e au classement de la fédération internationale (la France est 14e), sera dangereuse comme peut l’être une bête blessée, en quête de rachat pour éviter une relégation dans la division inférieure. Les deux nations se sont rencontrées en matchs de préparation le 30 avril et le 1er mai à Bordeaux : dominateurs lors de la première manche (3-1), les Bleus ont été surpris à la deuxième (1-4).

Défaite au goût amer

Jeudi, les Bleus ont longtemps cru qu’ils pourraient faire trébucher le favori de la compétition. Ils ont même eu l’insolence de mener au score (pendant 18 minutes) face au champion olympique et double tenant du titre, ce que celui-ci n’avait jamais laissé faire depuis le début du tournoi. A la supériorité technique de leurs adversaires, ils ont opposé courage et hargne, s’inclinant (3-2) au début du troisième tiers-temps sur un but particulièrement malchanceux, un rebond hasardeux qui a piégé le gardien Florian Hardy, auteur de 32 arrêts. « Autant d’efforts pour ne pas prendre de point, c’est dommage, déplorait celui-ci à la sortie de la patinoire. Pour l’instant, c’est la déception et la frustration ». Le sirop d’érable a laissé un goût amer.

« On est très loin de leur niveau, reconnaissait pourtant l’attaquant Anthony Rech. Ils sont si bons et puissants que c’est dur de les bouger. On les regarde jouer un peu les yeux grands ouverts. Je trouve qu’on patine assez bien, mais par rapport à eux ce n’est pas certain ». Le défenseur Kevin Hecquefeuille trouvait, lui, un motif de fierté : « Perdre 3-2 contre la meilleure nation du monde, il n’y a pas à rougir. Ce résultat est positif pour nous ». Le centre Pierre-Edouard Bellemare en profitait pour lancer un avertissement pour le match du lendemain : « Depuis le début de l’année, on arrive à bien jouer contre les grandes nations. C’est contre les moyennes qu’on a du mal. Il faut qu’on arrive à cesser de subir et à jouer un peu plus. Heureusement, le public nous aide et c’est cool. Une patinoire entière qui saute, notre génération voit plutôt ça dans les autres pays ».

L’affiche France-Canada était en effet promise au succès pour les organisateurs. Elle fut sold out avec 14 500 spectateurs, et apparition du marché noir dans cette compétition dès la sortie du métro. Le Canada en hockey, c’est l’équivalent du Brésil en football et de la Nouvelle-Zélande en rugby. Une attraction magique qui déplace les foules mais, paradoxalement, peu ses supporteurs. Ils étaient une centaine jeudi soir, noyés dans la masse criant « Allez les Bleus ! ».

Le journaliste spécialisé Alexandre Pouliot-Roberge, seul correspondant nord-américain à Moscou pour la KHL, la Ligue continentale eurasienne, avance les explications les plus évidentes à cette faible représentation : « Il y a les six heures d’avion. Le billet est cher et le championnat tombe à un mauvais moment pour les budgets car les Canadiens prennent leurs vacances en juillet. Et il y a surtout, les play-offs de la NHL [la Ligue nord-américaine de hockey] que les fans ne manqueraient pas. ».

Le Canada, premier produit d’appel

Les Bracken, le père et ses deux fils, sont tout de même venus spécialement de Vancouver. « Nous sommes là pour huit jours, explique le chef de famille. Pour nous, le championnat du monde est toujours un plaisir et ce n’est pas non plus désagréable de venir à Paris. Nous avons été surpris par la billetterie, très économique. » Un des deux garçons a des cernes aux yeux. La veille, il regardait à quatre heures du matin le play-off de la Conférence Ouest de la NHL et a assisté à l’élimination de l’équipe qu’il supportait, Edmonton (province de l’Alberta), par les Californiens d’Anaheim.

Pour les locaux, en revanche, le Canada est le premier produit d’appel. « Avec lui, les gens savent qu’ils vont voir des vedettes, constate Alexandre Pouliot-Roberge. Même si ce n’est pas l’équipe A, puisque les meilleurs ne sont généralement pas disponibles à cause des play-offs [comme la superstar de Pittsburgh Sidney Crosby]. Enfin, il y a quand même de quoi constituer en valeur l’équivalent de six à dix équipes de République tchèque ! Trois joueurs de l’équipe de France jouent en NHL, on en compte plusieurs centaines pour le Canada… ».

Si les Canadiens ne jouent pas leur quart de finale à Paris mais à Cologne, il reste trois occasions seulement d’admirer la meilleure équipe du monde : samedi contre la Suisse, lundi face à la Norvège et le lendemain pour une revanche de la finale de l’édition 2016, qui avait vu les maîtres de la glace battre la Finlande à Moscou.