Le kere, la période de soudure, qui marque la fin des réserves alimentaires et l’arrivée des nouvelles récoltes, n’en finit plus de s’étirer dans le sud de Madagascar. Elle s’ajoute à la persistance d’une crise nutritionnelle qui dure depuis près de sept mois.

Le phénomène climatique El Nino est le principal responsable de cette situation que Louis Muhigirwa, représentant de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), considère « globalement mitigée mais très inquiétante dans certaines zones ». Le sud de Madagascar, structurellement aride, ne reçoit que 500 mm de pluie par an.

« Céréales et légumineuses »

« Si on compare la situation avec celle de l’année dernière à la même période, elle est un peu meilleure, explique Louis Muhigirwa. Fin 2016, le grand problème était le manque de pluie. L’eau est finalement tombée en janvier et de façon assez régulière jusqu’à aujourd’hui, mais pas partout. A cause de ces pluies tardives, nous craignons donc de mauvaises récoltes de céréales et de légumineuses notamment. Dans certaines zones, nous sommes inquiets comme dans les districts de Betioky, où la situation s’est dégradée. »

Après de longs mois de sécheresse, les pluies diluviennes du cyclone Enawo ont frappé la Grande Ile du nord au sud, entre le 7 et le 9 mars, faisant 51 victimes et provoquant la destruction de plus de 30 % de la récolte de vanille dont le pays est le premier producteur mondial. Cette région du sud-est est la moins développée du pays. Les infrastructures, et notamment les routes, sont dans un état catastrophique. Plusieurs villages sont donc difficiles d’accès. On entend souvent dans la région « que les habitants ont toujours été oubliés » par les différents pouvoirs politiques qui se sont succédé sur la Grande Ile.

« A Madagascar, la malnutrition n’est plus seulement un problème de santé publique, elle est devenue un véritable problème de développement qui touche une grande partie de la population, particulièrement les jeunes enfants et les femmes enceintes et allaitantes », écrit l’Unicef. Le manque d’alimentation impacte de façon lourde le développement cognitif des enfants et donc leur capacité d’apprentissage. A l’âge adulte, il affecte leur productivité au point d’affaiblir considérablement l’économie du pays. Une étude réalisée par l’organisation onusienne a montré que la Grande Ile perd chaque année, en termes de productivité économique, 700 millions de dollars (660 millions d’euros) à cause du manque de nourriture.

« Ce que j’ai vu m’a alarmé »

Aujourd’hui, selon l’organisation onusienne, ce sont « 840 000 personnes qui sont toujours dans le besoin d’une assistance humanitaire. » « Ce que j’ai vu dans le sud de Madagascar début mai m’a alarmé, souligne Chris Nikoi, directeur régional du Programme alimentaire mondial (PAM) pour la région du sud de l’Afrique. Ce sont des gens qui vivent au bord du désastre. Beaucoup n’ont rien d’autres à manger que des fruits sauvages. Nous devons agir ensemble maintenant pour sauver des vies et donner de l’espoir pour l’avenir. »

Le 2 décembre 2016 à Paris, Madagascar a obtenu 5,9 milliards d’euros des bailleurs de fonds – Banque mondiale, Banque africaine de développement (BAD), Union européenne et agences des Nations unies… – pour remettre sur pied l’économie d’un pays très affecté par cinq années d’instabilité politique. « Beaucoup de bailleurs sont en train de concrétiser leurs promesses, assure Louis Muhigirwa. Tous les engagements de l’Union européenne, de la BAD ont été confirmés. Il devrait y avoir prochainement de grands investissements dans les zones rurales, notamment des projets qui concernent l’eau. »