La liste des journalistes victimes des purges ne cesse de s’allonger. Les autorités turques ont interpellé, vendredi 12 mai, le rédacteur en chef du site Internet du quotidien d’opposition Cumhuriyet, dont une vingtaine de collaborateurs ont été détenus ces derniers mois.

Oguz Güven a, lui-même, annoncé son arrestation dans un tweet posté vers 7 heures (6 heures à Paris). « Je suis placé en garde à vue », a-t-il pris le soin d’écrire.

Le quotidien affirme sur son site ne pas encore connaître les raisons de cette interpellation.

L’agence progouvernementale Anadolu a pour sa part expliqué qu’il a été arrêté à cause de la manière dont il a couvert la mort, cette semaine, dans un accident de la route d’un procureur turc chargé des poursuites contre un nombre de suspects détenus depuis le putsch manqué du 15 juillet. L’agence n’a pas fourni d’autres informations.

Machine à scoops

Plusieurs journalistes et d’autres employés de Cumhuriyet ont été arrêtés ces derniers mois. Parmi lesquels figurent notamment son patron, Akin Atalay, son rédacteur en chef, Murat Sabuncu, ainsi que le journaliste d’enquête Ahmet Sik.

Ils sont accusés d’appartenir ou de soutenir à la fois le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes), la mouvance du prédicateur Fethullah Gülen accusé d’avoir orchestré la tentative de putsch du 15 juillet, ainsi que le DHKP-C, un groupuscule d’extrême gauche. Ils risquent entre sept ans et demi et quarante-trois ans de prison.

Farouchement critique vis-à-vis du président Erdogan, ce journal, fondé en 1924, s’est transformé, sous la houlette de son ancien rédacteur en chef Can Dündar en machine à scoops, multipliant les enquêtes embarrassantes pour le pouvoir. M. Dündar, qui vit désormais en Allemagne, est d’ailleurs considéré comme un traître par le pouvoir turc pour avoir révélé en 2015 que les services secrets avaient fourni des armes à des islamistes en Syrie.

La Turquie est 155e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF pour 2017. Les arrestations de journalistes se multiplient. Il y a quelques jours, c’est un photographe indépendant français, Mathias Depardon, qui a été arrêté dans le sud-est du pays.

Les autorités turques nient régulièrement toute atteinte à la liberté de la presse et affirment que les seuls journalistes arrêtés sont ceux liés à des « organisations terroristes », expression désignant le PKK et le réseau güléniste.