Ségolène Royal, à la sortie du dernier conseil des ministres du quinquennat de François Hollande, mercredi 10 mai. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Un dernier tour de piste. Prenant de court ses équipes prévenues tardivement de ce déplacement surprise outre-Rhin, Ségolène Royal a passé quelques heures dans l’enceinte des négociations internationales sur le changement climatique, vendredi 12 mai. Arrivée la veille en fin d’après-midi à Bonn, la responsable politique a arpenté de bon matin les allées de l’ancien Parlement allemand, transformé en 1999 en centre de conférence.

Ex-ministre de l’écologie depuis la dimension du gouvernement mercredi 10 mai, ex-présidente de la conférence climat, la COP (la présidence actuelle en est assurée, depuis la conférence de Marrakech en novembre 2016, et pour un an, par le Marocain Salaheddine Mezouar), Ségolène Royal s’est rendue à Bonn accompagnée de plusieurs conseillers ainsi que de Brigitte Collet, la nouvelle ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, des énergies renouvelables et de la prévention des risques.

Elle a eu envie de humer, une ultime fois, l’ambiance qui prévaut lors des sessions de travail des 196 pays membres de la convention-cadre sur le climat, où les débats ouverts en assemblée plénière se prolongent à l’heure de la pause-café et rythment le retour des délégués à leurs hôtels.

Urgence climatique

« Je me suis demandé si j’avais le droit de venir, mais je veux continuer à être utile, assume Ségolène Royal. Et puis il faut gérer les affaires courantes, ou plutôt, les affaires structurantes. » Car la dirigeante socialiste, comme Laurent Fabius, président avant elle de la COP21 (conclue en décembre 2015 par l’adoption de l’accord de Paris pour maintenir le réchauffement planétaire en dessous du seuil des 2 °C) est convaincue que l’urgence climatique n’est pas seulement une question environnementale, mais aussi un défi économique et un enjeu de société. Elle en a tiré un opus paru chez Plon en avril, Manifeste pour une justice climatique, dont elle avait emporté quelques exemplaires pour en faire cadeau à ses interlocuteurs.

« Il existe aujourd’hui un vocabulaire universel sur la nécessité d’agir », plaide-t-elle, et une dynamique que ne parviendront pas à freiner les Etats-Unis s’ils décidaient finalement de quitter l’accord de Paris, comme Donald Trump menace de le faire. La défection du deuxième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre derrière la Chine pourrait au contraire « ressouder la communauté internationale, en lui donnant une raison supplémentaire d’intensifier l’action ».

Pour cette matinée d’immersion dans la bulle des négociations, Ségolène Royal s’était concocté un programme sur mesure, privilégiant les échanges directs au détriment du cadre très protocolaire des discussions multilatérales. Sa première rencontre express a été pour la délégation chinoise, largement remerciée pour son soutien à la consolidation de l’accord de Paris.

La Chine et la France « doivent maintenir leur communication et leur coordination sur les questions internationales et régionales, ainsi que défendre les acquis de la gouvernance mondiale, dont l’accord de Paris sur le climat », a rappelé mardi le président Xi Jinping, réagissant à la victoire présidentielle d’Emmanuel Macron.

La France auditionnée

Le tour de table suivant a réuni des représentants de la société civile pour un point à mi-parcours de la session de Bonn. L’exercice s’est révélé « un peu compliqué », de l’avis des ONG, qui n’ont disposé que de « très peu de temps pour aborder à la fois les négociations en cours et le dossier sensible de l’initiative africaine pour les énergies renouvelables ».

Ce plan d’accès à l’électricité, souhaité par les chefs d’Etat africains à la COP21, provoque des remous depuis l’officialisation, au début de mars, d’une liste de 19 projets. Dans une pétition lancée à la fin de mars, plusieurs ONG africaines reprochent notamment à la France et à l’Union européenne – principaux bailleurs de fonds de ce programme de 10 milliards de dollars – d’avoir imposé leurs projets sans transparence ni véritable concertation avec les acteurs africains. « Les ONG auraient dû être davantage impliquées, mais j’étais très concentrée sur l’avancée de ce dossier », se justifie Ségolène Royal.

Un petit tour ensuite à l’événement organisé par le secrétariat de la convention-cadre sur l’innovation face au changement climatique, puis la responsable politique a pris le chemin du retour. Elle n’a donc pas participé à la séance pourtant la plus importante du jour pour la délégation française : l’audition de cette dernière par la communauté internationale lors d’une séance de questions-réponses sur les engagements climatiques de Paris.

L’ex-ministre n’a pas davantage assisté à la réunion de la Plateforme 2050, la coalition des Etats, des villes et des entreprises en faveur des stratégies bas carbone, lancée pendant la COP de Marrakech et copilotée notamment par l’ancienne ambassadrice climat Laurence Tubiana. L’ex-chef négociatrice de la France devrait rejoindre le groupe de conseillers de haut niveau dans l’équipe de la prochaine COP, sous la houlette des îles Fidji.

Les Fidji présideront la prochaine COP

Le premier ministre de cet archipel du Pacifique sera le prochain président de la COP, en novembre. Cependant le sommet international aura finalement lieu à Bonn, faute d’infrastructures suffisantes, afin aussi de faire face aux coûts financiers et environnementaux très importants qu’implique ce type de rendez-vous, et d’alléger le budget transport, faramineux pour une destination comme les Fidji.

Ségolène Royal participera-t-elle, de près ou de loin, à cette COP23 ? « On verra », se contente de répondre l’intéressée. Rêvant un temps de se présenter au poste de secrétaire général des Nations unies, attirée par le portefeuille des affaires étrangères, elle avait candidaté fin mars pour diriger le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), avant que ne lui soit préféré le diplomate allemand Achim Steiner.

« Je suis disponible » pour une mission sur la scène internationale, confiait déjà en 2016 la ministre de l’écologie, qui pourrait se voir proposer un poste d’« envoyée spéciale » qui resterait à définir. A moins d’être appelée à de nouvelles fonctions ministérielles par Emmanuel Macron. Dans ces deux hypothèses, la visite éclair de Ségolène Royal aux négociateurs climat aura été bien inspirée.