Isabel Espanol

Apprécié de longue date des recruteurs, le profil qui associe école d’ingénieurs et MBA devient désormais une garantie, dans certains secteurs, d’un « bon management » – à l’exemple de Tim Cook, le directeur d’Apple, diplômé d’un bachelor en génie industriel et d’un MBA de l’université Duke.

« C’est le symbole d’une nouvelle mode managériale, affirme l’Américain Alon Rozen, doyen de l’Ecole des ponts Business School. Avant l’an 2000, les directions préféraient, à leur tête, des profils de marketeurs ou de créatifs. Dans les années qui ont suivi, dans un contexte de crise, de nombreux directeurs financiers ont été promus. C’est maintenant le tour des ingénieurs. Ce type de promotion professionnelle va se développer, sous l’effet de l’arrivée de l’intelligence artificielle, du big data, de l’Internet des objets, de l’automatisation… Les ingénieurs ont le vent en poupe, pour peu qu’ils soient capables de gérer du personnel, d’être ouverts d’esprit, de communiquer, de gérer plusieurs projets, de travailler en équipe. »

Ainsi, le couple ingénieur-MBA a de beaux jours devant lui. « C’est le meilleur des mariages, estime même Jerry Knock, directeur associé au sein du cabinet en transition de carrière Oasys. Autant un MBA après une école de management n’est pas forcément intéressant, autant cela fait sens après une école d’ingénieurs. C’est une question d’image, parce que les ingénieurs sont perçus comme des techniciens capables de construire des ponts, pas comme des managers ou des talents ayant une sensibilité aux affaires. Le MBA leur donne cette coloration business, cette capacité de travailler en équipe, de discuter avec tous les départements d’une société. »

Bien choisir son timing

La plupart des ingénieurs qui s’engagent dans un MBA le font après avoir accumulé entre cinq et quinze ans d’expérience. C’est moins intéressant avant. C’est moins rentable après. « Un MBA s’envisage aux environs de 30 ans, estime Ollivier Lemal, directeur du cabinet de recrutement EIM France. Il faut aussi l’intégrer dans un projet professionnel défini : accélérer une carrière, changer de secteur d’activité ou se créer un réseau. »

« L’acquisition d’un MBA fait bouger les lignes et donne un profil complet à un candidat », explique Antoine Morgaut, président de la fédération de cabinets Syntec Conseil en recrutement

Pour un directeur industriel, faire un MBA autour de 40 ans, c’est se placer dans l’éventualité de faire partie d’un pool de cadres dirigeants. « J’aime beaucoup l’association ingénieur et MBA, confirme Antoine Morgaut, président de la fédération de cabinets Syntec Conseil en recrutement. L’acquisition d’un MBA fait bouger les lignes et donne un profil complet à un candidat. C’est important, car cela représente une coupure très profitable dans sa vie professionnelle. Cela permet à l’ingénieur de prendre du recul, de voir autre chose, d’être confronté à d’autres manageurs. »

« Un ingénieur peut mettre jusqu’à sept ans pour rentabiliser un MBA, estime Joëlle Planche-Ryan, responsable du développement de carrière à l’association des anciens diplômés des Arts et Métiers. Mais au final, c’est très positif, car l’ingénieur possède de nouvelles compétences, il a aussi compris la cartographie politique du pouvoir et maîtrise les réseaux internes et externes de l’influence. Il a pris de la profondeur. »

Une étape qui n’est pas obligatoire

Reste qu’il est aussi possible de décrocher un poste de dirigeant sans passer par un MBA. « C’est même le cas de la plupart des managers, rappelle Julien Rozet, président du directoire du groupe Alexander Hughes, un cabinet international de chasseurs de têtes. Sans faire d’études complémentaires, un ingénieur peut apprendre sur le tas la gestion généraliste d’une entreprise. » Dans ce cadre de formations internes ou de cours en ligne, un ingénieur peut se donner les moyens d’acquérir de nouvelles compétences, de développer son réseau et d’évoluer personnellement. Cela passe par des choses simples comme chercher un ou plusieurs mentors, déjeuner systématiquement avec les dirigeants d’autres services, discuter avec eux de développement ou de stratégie d’entreprise, se poser la question de son apport à l’évolution de sa société.

« On sort ainsi de son quotidien, poursuit Joëlle Planche-Ryan. Dans mon environnement professionnel, que faut-il que je garde ? Que dois-je améliorer, que stopper et que démarrer ? Cet apprentissage est possible, mais cela demande de la discipline. C’est difficile. » Il est parfois plus simple de suivre un MBA.

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