François Bayrou, à l’issue du bureau politique du MoDem, vendredi 12 mai, à Paris. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Le « coup de gueule » de François Bayrou aura été payant. Jeudi 11 mai, après l’annonce des 428 premières investitures de La République en marche, une quarantaine revenait à des candidats issus du MoDem. Samedi 13 mai, ils sont, selon nos informations, un peu plus d’une centaine, bien que le maire de Pau se soit refusé à donner toute indication sur l’ordre de grandeur. Un accord qualifié de « solide et équilibré » par M. Bayrou à l’issue de la réunion du bureau exécutif du MoDem convoqué dans l’urgence, vendredi soir. Il devait cependant être validé, samedi, par le mouvement d’Emmanuel Macron.

Le ton était en tout cas à l’apaisement entre les deux formations, après avoir frôlé la crise de nerfs. Jeudi, le maire de Pau avait refusé d’avaliser la première liste d’investitures, considérant que l’accord sur lequel était basée leur alliance avait été « foulé aux pieds ». « Je ne participerai pas à une opération de recyclage du PS », expliquait le leader centriste dans les colonnes du Monde. Deux des principaux responsables du MoDem, la vice-présidente, Marielle de Sarnez, et le secrétaire général, Marc Fesneau, respectivement investis à Paris et dans le Loir-et-Cher, s’étaient d’ailleurs volontairement retirés de la liste pour marquer leur désaccord avec les choix opérés par la commission d’investiture d’En marche !.

Dès jeudi soir, M. Bayrou et M. Macron s’étaient entretenus pour tenter de dénouer la crise. L’ancien candidat à l’élection présidentielle reprochait aux responsables d’En marche ! chargés des investitures d’avoir sabordé au dernier moment les propositions de candidatures avancées par le MoDem. « Le travail avait été fait, puis il a été complètement défait en quelques minutes, rumine-t-il. Heureusement, Emmanuel Macron a expliqué à un certain nombre de cadres qui l’entourent que ce n’était pas l’accord que nous avions trouvé. »

Il aura cependant fallu plusieurs heures d’âpres négociations, menées simultanément à Paris et à Lyon, où les sénateurs Gérard Collomb (En marche !) et Michel Mercier (MoDem) étaient à l’ouvrage, pour parvenir à recoller les morceaux. « Nous retrouvons les termes de l’alliance que nous avions nouée, s’est félicité le président du MoDem à la sortie du bureau exécutif, qui s’est achevé vers 23 h 30. Quand on a un problème dans un couple, on le traite. En tout cas, je ne le laisse pas pourrir. »

« Loupé stratégique complet »

« Derrière cette tension, explique-t-il, il y avait deux questions essentielles. Est-ce que l’on souhaite un parti unique ou une majorité plurielle ? Le pluralisme est, à nos yeux, la garantie du débat. Et quel est le point d’équilibre de la majorité ? Nous souhaitons une majorité centrale. » Bon nombre des difficultés sur lesquelles avait buté l’accord entre les deux formations semblent ainsi avoir été aplanies, même si quelques détails restent à régler afin que l’accord soit avalisé par En marche !.

M. Bayrou, cependant, se montre confiant. « Nous avons bien avancé, on a rééquilibré totalement l’accord », estime-t-il. Selon les pointages effectués par les responsables du MoDem, sur les 428 premières investitures annoncées, 153 auraient été attribuées à des PS, ex-PS ou PRG, 38 au MoDem, 15 à l’UDI ou ex-UDI, 25 à LR, ex-LR ou divers droite et 197 à la « société civile », c’est-à-dire à des candidats sans antécédents politiques.

En haussant le ton, avec une dose de surenchère, le maire de Pau est parvenu à garantir à sa formation une part de marché correspondant à peu près à ses attentes, alors qu’il reste encore près de 150 candidatures à pourvoir. Le signal, surtout, est politique, alors que M. Macron doit faire connaître d’ici à lundi le nom du premier ministre et espère pouvoir rallier une partie de la droite dans sa majorité. Le rééquilibrage au centre ainsi affirmé dans le choix des candidatures aux législatives permet d’élargir le point de passage pour faire venir la droite. « Comment vouliez-vous que la droite bouge avec une majorité aussi décentrée ?, souligne Mme de Sarnez. C’était un loupé stratégique complet. »

La température ainsi retombée du côté de l’allié centriste, c’est désormais sur le choix du premier ministre que va se jouer l’avenir immédiat de la majorité présidentielle.