Edouard Philippe et Emmanuel Macron, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) en février 2016. | LOIC VENANCE / AFP

Edouard Philippe, nommé lundi 15 mai premier ministre par Emmanuel Macron, s’est prêté durant la campagne présidentielle à un exercice de style peu habituel pour un responsable politique. Chaque semaine, le maire Les Républicains du Havre – également romancier occasionnel – a livré dans une chronique publiée dans Libération son regard sur cette élection atypique, dans laquelle « la réalité a définitivement battu la fiction dans le registre de l’inattendu », comme il l’écrit le 12 avril. Des textes dans lesquels il n’épargne pas toujours celui qui est devenu président de la République.

Edouard Philippe consacre précisément sa première chronique, le 18 janvier, à... Emmanuel Macron. Quand certains voient en lui Brutus, le fils adoptif de César qui a participé à la mort de son père, lui estime que « le Romain qui ressemble le plus à Macron, c’est Macron » , ou plus précisément « Naevius Sutorius Macro, dit Macron ». Il décrit avec malice ce « haut fonctionnaire devenu, à la faveur d’une révolution de palais, le conseiller de Tibère, empereur détaché des affaires courantes » , chef qu’il « finira par assassiner ».

Le député de Seine-Maritime dépeint un Emmanuel Macron « tribun adepte d’un populisme désinvolte », « qui n’assume rien mais promet tout, avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier ».

« Ils abuseront bien des gens »

« Il marche sur l’eau en ce moment », note M. Philippe le 15 février. Et d’ironiser sur l’attitude christique du candidat : « Il guérit les aveugles, il multiplie les pains, il répand la bonne parole. A la France paralysée, il ordonne “Lève-toi et en marche !” (...) Et tout ça tout seul, sans réel programme ni réelle équipe. Il suffit de croire en lui. D’avoir la foi. » Le maire du Havre cite alors Saint-Matthieu – « par ailleurs saint patron des banquiers, ça ne s’invente pas  » – rapportant les paroles de Jésus : « Car il en viendra beaucoup sous mon nom qui diront : “C’est moi le Christ”, et ils abuseront bien des gens. »

Le 15 mars, Edouard Philippe constate que, comme Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est « affranchi d’une règle simple consistant à dire à quel camp on appartient ». Dans la grammaire de la politique, « Macron serait le plus-que-parfait », écrit-il : « Qui faisait encore quelques fautes d’accord au début (...) mais qui a vite appris, comme un élève doué qui espère compenser par son intelligence son manque d’expérience ». Désormais, note-t-il, « il transgresse » et « revendique son immaturité ».

« Un quinquennat pourtant jugé calamiteux »

Le ton change à mesure que l’on s’approche du premier tour. Dans un second tour face à Marine Le Pen, Macron « devra rassembler à droite, et il sera probablement en mesure de le faire », considère M. Philippe le 29 mars. Davantage en tout cas qu’un Fillon pour qui rassembler à gauche face au FN « sera moins simple ». Si Macron gagne, constate-t-il le 12 avril, « ce sera la défaite des deux partis principaux du système institutionnel de la Ve République, et la victoire d’un ancien ministre de Hollande après un quinquennat pourtant jugé calamiteux ».

Dans l’entre-deux-tours, le 26 avril, Edouard Philippe critique son parti, Les Républicains, qui a « discuté pendant deux heures pour savoir, tenons-nous bien, si la position officielle était, un, de condamner l’abstention tout en appelant à battre Marine Le Pen ou, deux, de voter Emmanuel Macron afin de battre Marine Le Pen ». Il conclut : « Il faut aider Macron car sa victoire n’est pas acquise. »

Le 3 mai, à quatre jours du second tour, M. Philippe donne des conseils à M. Macron qui, selon lui « devra transgresser » en cas d’élection. Il devra « sortir du face-à-face ancien, culturel, institutionnalisé et confortable de l’opposition droite-gauche pour constituer une majorité d’un nouveau type », écrit le député.