Film sur Netflix à la demande

Dans « Sand Castle » de Fernando Coimbra, Nicolas Hoult et Glen Powell incarnent deux soldats pendant la guerre en Irak. | NICK WALL/NETFLIX

Un film diffusé sur ­Netflix sans être sorti en salle est-il réellement un film ? La question agite l’industrie du cinéma. Sand Castle, fiction britannique mise en ligne sur la plate-forme de vidéos à la demande, le 21 avril, a en tout cas les attributs du film de guerre hollywoodien. Même si le budget de 13 millions de dollars dont a disposé le réalisateur brésilien, Fernando Coimbra, est beaucoup moins élevé que ­celui d’American Sniper (2015), qui s’élevait à 58,8 millions.

Tourné en Jordanie, Sand Castle donne à voir la guerre d’Irak du point de vue américain. A la manière d’un journaliste embarqué, le réalisateur filme au plus près les soldats américains au combat dans les rues de Bagdad ou dans les moments de camaraderie, assis en haut des crêtes surplombant les vallées désertiques.

Le scénario écrit par Chris Roess­ner, un vétéran de la guerre d’Irak de 2003 qui s’est inspiré de sa propre expérience, a toutefois le mérite de se démarquer du corpus des films américains sur le conflit irakien dans lesquels, trop souvent, le héros porté par ses convictions patriotiques finit par sombrer dans la psychose. Sand Castle explore les transformations d’un personnage complexe, Matt Ocre (Nicholas Hoult, très convaincant), soldat inexpérimenté, qui, d’emblée, se sent honteux. Et pour cause : il ne s’est pas engagé dans le but de « combattre pour la liberté » mais pour des raisons pécuniaires.

Dès son arrivée au Koweït, il s’inflige une blessure à la main pour retarder son départ en ­mission. L’expérience du feu n’en sera que plus terrifiante.

SAND CASTLE Bande Annonce VF (Netflix // 2017)

Quittant la capitale irakienne, la troupe se rend dans une vallée près de la ville de Bakouba, plus au nord, afin de réparer une station de pompage d’eau détruite par les bombes américaines. Ocre pense que leur mission ne pourra être accomplie qu’avec l’aide de la population locale. Empreintes de méfiance réciproque, les tentatives de dialogue entre occupants et occupés n’aboutissent pas ­toutes, loin s’en faut.

A rebours d’American Sniper, où le tireur d’élite, sûr de son bon droit, fait face à des traîtres, des lâches ou des fourbes, le film opère une symétrie des postures entre Américains et Irakiens, oscillant entre attitude respectueuse et méprisante. Sans forcer le trait, le film met en scène les violences de guerre les plus mesquines comme les plus atroces : les crimes perpétrés par les insurgés irakiens répondent mécaniquement aux brutalités commises par les occupants américains.

Ennemi invisible

Comme dans Jarhead (2005), les combats n’en restent pas moins illisibles. Pris dans plusieurs embuscades, les soldats américains sont confrontés à un ennemi invisible. Personne ne sait d’où viennent les tirs ni qui est l’ennemi. Plus rien n’est clair si ce n’est qu’il faut tirer pour éviter de se faire tuer.

Frustré de ne pouvoir venir à bout des insurgés, Ocre finit par se venger lâchement sur un prisonnier irakien. Il n’y a ici aucune leçon de courage. Dans la lignée des films américains les plus antimilitaristes comme Platoon (1986), Sand Castle met ainsi l’accent, avec une discrète insistance, sur chacune des défaites de ce soldat à fleur de peau. Autant d’échecs qui annoncent en filigrane l’écroulement de la puissance américaine dans les sables irakiens.

Sand Castle, de Fernando Coimbra. Avec Nicholas Hoult, Logan Marshall-Green, Henry Cavill (GB., 2017, 113 min). Sur Netflix à la demande.