Validée par la commission des investitures du mouvement d’Emmanuel Macron, la candidature de la sénatrice Leila Aïchi pour la 9e circonscription des Français de l’étranger aux législatives ne passe pas du tout au Maroc. Au point que l’antenne locale de La République en marche (LRM) a décidé, depuis le 13 mai, de suspendre sa campagne jusqu’à nouvel ordre. « Les comités En marche ! de Tunisie, de Côte d’Ivoire et du Sénégal ont fait de même », souligne, lundi 15 mai, Hamza Hraoui, référent national du mouvement En marche !.

Le comité reproche à Leïla Aïchi des positions prises en 2013 lors d’un colloque organisé au Sénat sur le Sahara occidental. Lors de cette rencontre, l’élue s’était « alarmée de l’indifférence internationale quant au sort réservé au peuple sahraoui », et avait « dénoncé l’alignement systématique de la France sur la politique marocaine au Sahara occidental, et ce malgré les graves violations des droits de l’homme constatées par les ONG humanitaires ». Leïla Aïchi ajoutait encore que « le Sahara occidental et ses habitants subissent l’occupation marocaine depuis près de quarante ans ».

On reproche également entre les lignes à Mme Aïchi d’être une candidate MoDem et non LRM, en vertu de l’accord conclu entre les deux mouvements pour présenter des candidatures communes aux législatives. Avocate spécialisée dans les problèmes de l’environnement, elle avait été élue sénatrice de Paris en 2011 sous l’étiquette Europe-Ecologie-Les Verts (EELV). Vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, elle avait annoncé rallier le MoDem de François Bayrou en septembre 2016.

Frères ennemis

L’enjeu est important : la 9e circonscription des Français de l’étranger compte une dizaine de pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, soit quelque 150 000 Français inscrits sur les listes consulaires. Parmi eux, un tiers réside au Maroc, où le sujet du Sahara occidental – territoire revendiqué depuis 1975 par le Maroc (qui en contrôle 80 %) et par le Front Polisario soutenu par l’Algérie – reste ultrasensible.

« On veut une majorité confortable. Or il n’est pas possible de remporter la 9e circonscription avec de telles positions », estime Hamza Hraoui, qui revendique 500 adhérents et plusieurs milliers de sympathisants pour le mouvement En marche ! au Maroc. « Désormais, poursuit-il, il y a deux scénarios : soit la candidate clarifie sa position en l’alignant sur celle de la France, et dans ce cas, nous consulterons à nouveau nos comités locaux, soit elle se retire. »

Mme Aïchi ne s’est pas pour l’instant publiquement exprimée sur le sujet. L’hebdomadaire marocain TelQuel cite de façon anonyme certains de ses collaborateurs qui rejettent cette étiquette « pro-Polisario ». « Elle a été coresponsable il y a quelques années d’un colloque où il y avait quelques Sahraouis. Elle est sénatrice française, et elle a une ligne égale avec tous les pays. C’est aussi ça la démocratie. Elle est extrêmement critique sur la politique des pays voisins du Maroc au Maghreb ou en Afrique et elle n’a jamais eu un mot contre le Maroc, ni contre son peuple, ni contre son roi », explique l’un d’eux cité par TelQuel. Ce mardi, l’hebdomadaire annonce fort opportunément que selon des « sources proches », un autre candidat M’jid Al-Guerrab, « un des fondateurs du mouvement En marche ! Maroc » avait rempli les formalités administratives de candidature avant la date limite du 12 mai et pourrait donc servir de doublure.

Pour le nouveau président de la République française et ses troupes, la polémique sonne en tout cas comme un avant-goût de la difficulté des relations entre la France et les deux frères ennemis du Maghreb que sont le Maroc et l’Algérie, et pour lesquels le conflit au Sahara occidental est central.