Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit rencontrer pour la première fois mardi 16 mai à Washington son homologue américain Donald Trump, qu’il espère rallier à sa cause sur plusieurs dossiers pour relancer des relations tendues depuis des mois. Les rapports entre la Turquie et les Etats-Unis ont viré à l’orage à la fin de la présidence de Barack Obama, les deux pays s’opposant sur plusieurs dossiers.

Le déplacement de M. Erdogan survient ainsi à un moment délicat, une semaine à peine après l’annonce par les Etats-Unis qu’ils livreraient des armes aux milices kurdes syriennes YPG (Unités de protection du peuple) qui combattent les djihadistes. Cette nouvelle, ainsi que son timing, ont sonné Ankara, où l’élection de M. Trump avait fait naître l’espoir d’une « nouvelle page » dans les rapports entre les deux pays, basés sur une relation personnelle forte entre deux dirigeants adeptes d’un style politique viril.

Humiliation pour Ankara, l’annonce de l’envoi d’armes aux YPG est survenue alors que les chefs de l’armée et du renseignement turcs, ainsi que le porte-parole du président turc, étaient à Washington pour préparer le déplacement de M. Erdogan.

Les Etats-Unis soutiennent les YPG qu’ils considèrent comme la force la plus apte à affronter au sol le groupe Etat islamique (EI) et à chasser les djihadistes de leur bastion syrien de Rakka. Mais pour la Turquie, les YPG ne sont que l’extension en Syrie des séparatistes kurdes de Turquie (PKK), qui livrent depuis 1984 une sanglante guerre à l’Etat turc. M. Erdogan a exhorté le gouvernement américain à revenir « sans délai » sur son « erreur », et a déclaré qu’il aborderait la question avec M. Trump lors de son déplacement.

L’avenir des relations entre Ankara et Washington reste suspendu à d’autres dossiers épineux, comme la demande d’extradition du prédicateur Fethullah Gülen, qui vit en exil aux Etats-Unis et est accusé par le pouvoir turc d’avoir ourdi la tentative de putsch de juillet.

Anti-américanisme

En raison des tensions qui se sont renforcées sous la présidence Obama, la Turquie et les Etats-Unis n’ont pas réussi à insuffler de l’énergie dans leurs relations commerciales. Et l’anti-américanisme a atteint des sommets en Turquie, où la presse progouvernementale publie régulièrement des théories du complot impliquant Washington.

En parallèle de la dégradation de ces relations, la Turquie s’est rapprochée de la Russie, avec laquelle elle coopère désormais étroitement sur le dossier syrien, parrainant par exemple un accord de cessez-le-feu fin décembre.

Autrefois « exemplaire », le partenariat entre la Turquie et les Etats-Unis est devenu « dysfonctionnel, produisant des résultats insatisfaisants pour les deux parties », résument dans une étude Kemal Kirisci, du centre d’analyses Brookings Institution, et Asli Aydintasbas, experte au Conseil européen des relations internationales.