Ben Hopkins, cofondateur du duo PWR BTTM, en concert au festival South by Southwest d’Austin (Texas), le 15 mars 2017. | MICHAEL LOCCISANO/GETTY IMAGES FOR SXSW/AFP

Le groupe PWR BTTM était, il y a une semaine encore, un des plus prometteurs de la scène rock américaine, sur le point de sortir un album qui allait consacrer leur force dans l’underground et leur potentiel à atteindre le grand public. Noisey, la branche musique de Vice, déclarait : « PWR BTTM est le prochain grand groupe américain. »

Le New York Times encensait leur nouvel album, de même que le Village Voice, l’historique quotidien de la communauté LGBTQ (lesbien, gay, bisexuel et transsexuel et queer) de New York.

PWR BTTM revendiquait une identité « gender fluid », dépassant la binarité homme-femme des apparences et des comportements. Les deux membres, Ben Hopkins et Liv Bruce, apparaissaient habillés en robe et maquillés.

Témoignages en série sur Facebook

Le mercredi 10 mai, un post apparaît sur Facebook. Une utilisatrice du réseau y accuse Ben Hopkins d’avoir commis des agressions et d’être un « prédateur sexuel » dans la communauté LGBT. Elle joint à ce post une photo du chanteur posant sur une plage à côté d’une croix gammée dessinée dans le sable. Le message, dont une capture d’écran est disponible sur Imgur, est originellement posté dans un groupe privé, mais il se propage rapidement sur le versant public de Facebook, puis sur Twitter et Reddit, les sites spécialisés et la presse généraliste.

Le lendemain, le groupe répond aux accusations d’agression sexuelle par un long message diffusé en photo sur Twitter. Ils se disent « surpris » de ces accusations « très sérieuses » et disent vouloir y répondre « de manière ouverte et responsable ». Ils précisent que personne ne s’est jamais plaint auprès d’eux. Ils annoncent la mise en place d’une adresse e-mail où les victimes peuvent témoigner, à laquelle seul un « médiateur qualifié » aura accès.

Malgré cette tentative pour limiter la casse, l’affaire continue à prendre de l’ampleur le 12 mai, lorsque le site féministe Jezebel publie un témoignage, celui d’une jeune fille accusant Ben Hopkins de l’avoir forcée à « avoir une relation sexuelle sans permission tout en refusant de se protéger ». La jeune fille raconte avoir rencontré le chanteur en marge de l’un de ses concerts, et ne pas s’être méfiée « à cause du message qu’ils prônent », un message de justice, de tolérance et d’inclusion.

Son témoignage remet en cause le communiqué où les deux musiciens font part de leur surprise, car elle dit avoir déjà parlé longuement de ce qui s’est passé avec Liv Bruce, second membre du duo. La personne à l’origine du premier post Facebook a également partagé sur Twitter d’autres témoignages reçus dans les commentaires.

La rapidité de la disgrâce pose question

Dès lors, les défections se multiplient en quelques jours, voire en quelques heures. Le jour de la publication de l’article de Jezebel, l’arrangeur qui s’occupait de leur tournée, Cameron West, annonce qu’il quitte le groupe. Des formations qui devaient jouer avec eux en première partie annoncent qu’ils se retirent de leur tournée.

Salty Artists Management, qui s’occupe de PWR BTTM, et le label Polyvinyl annoncent qu’ils ne représentent plus le groupe, ce qui annule de facto leur tournée, explique Les Inrockuptibles. Selon le Washington Post, dans tous les Etats-Unis des salles ont annoncé l’annulation des concerts et le remboursement des billets.

Depuis le 16 mai, leur musique n’est plus disponible sur les plates-formes de streaming et de téléchargement en ligne comme Apple Music, Tidal, Google Play et Amazon. Selon Les Inrockuptibles, l’album est encore disponible sur Spotify mais un représentant de leur label aurait réclamé son retrait.

La rapidité et la violence du désaveu du groupe ont provoqué une onde de choc parmi les fans du groupe. Certains se félicitent que la communauté LGBT ait réagi rapidement. Une réactivité qui évite de jeter le doute sur les témoignages et de culpabiliser les victimes, phénomène fréquent lorsqu’une célébrité est accusée d’agression sexuelle ou de violences. Le problème de l’autocensure des victimes qui mettent du temps à témoigner ou à déposer plainte est accru dans la communauté queer, rappelle le Washington Post, où les victimes, marginalisées, « n’osent pas aller se plaindre auprès des autorités », avec qui elles n’entretiennent pas de bonnes relations par ailleurs.

D’autres s’étonnent de la rapidité de cette disgrâce, sans commune mesure avec celle d’autres artistes accusés d’agression sexuelle, et en l’absence de témoignages à visage découvert. Une jeune femme queer de Portland (Oregon) et fan inconditionnelle du groupe, résume cette position dans Village People.

« Je pense que c’est incroyable que les communautés LGBTQ, punk et DIY [une branche de la scène punk rock américaine] aient réagi pour les mettre devant leurs responsabilités et aient démontré une politique de la tolérance zéro envers les agresseurs. Mais je m’inquiète qu’il n’y ait pas la même réponse la prochaine fois qu’on apprend qu’un homme hétérosexuel est un prédateur ».