Réagissant à une série d’accusations dévoilées ces dernières semaines, le président ougandais Yoweri Museveni a dénoncé, mardi 16 mai, le recours à la torture dans une lettre adressée aux chefs de la police et des services de sécurité, auxquels il demande de ne plus y recourir. « L’usage de la torture est inutile et mauvais, et si, comme certains groupes l’ont prétendu dans les médias, elle a été utilisée, alors elle ne doit plus l’être », écrit Yoweri Museveni.

La torture pourrait être appliquée à « la mauvaise personne, à quelqu’un qui est complètement innocent », ce qui serait « très injuste », justifie le président ougandais qui dirige le pays d’une main de fer depuis 1986. « Quelqu’un pourrait admettre être coupable quand il est innocent pour qu’on lui épargne la torture », et les « confessions de criminels ne sont parfois pas nécessaires », car les techniques modernes de la police scientifique et les témoignages peuvent suffire à les confondre, remarque-t-il.

Violations répétées

L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a depuis longtemps affirmé que des personnes détenues dans des prisons ougandaises sont soumises à la torture. Dimanche, Maria Burnett, directrice de HRW pour l’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique, rappelait ainsi que son organisation, « au cours des quinze dernières années, a eu des entretiens avec des centaines d’Ougandais se plaignant d’avoir été torturés par la police ». Dans un rapport publié en 2009, « Open secret », HRW écrivait déjà que « la torture et la détention illégale prolongée restent parmi les violations des droits humains les plus répétées et les plus problématiques en Ouganda ».

En réponse à la lettre du président Museveni, Maria Burnett, la directrice Afrique d’HRW, a regretté sur Twitter « qu’il ne demande en fait pas d’enquête, ni que les gens ayant eu recours à la torture rendent des comptes », comme « il aurait dû le faire ».

Effroyables blessures

M. Museveni répondait à des accusations récentes formulées par plusieurs personnes, dont un maire, ayant été détenues à la prison de Nalufenya, à 80 km de la capitale Kampala. Des photos de Geoffrey Byamukama, maire de Kamwenge (ouest), à l’hôpital avec d’effroyables blessures aux jambes et au dos, ont suscité l’indignation de nombreux Ougandais quand elles ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux la semaine dernière. M. Byamukama a affirmé qu’elles lui avaient été infligées par la police qui l’interrogeait à Nalufenya sur son implication présumée dans le meurtre, en mars, du porte-parole de la police ougandaise, Andrew Kaweesi.

Treize autres hommes ont été inculpés en lien avec ce meurtre. Certains d’entre eux ont exhibé des blessures dont ils prétendent qu’elles sont dues à des tortures policières, lors de leur comparution devant un tribunal le 5 mai. L’un d’eux, Ahmad Senfuka Shaban, un enseignant de 30 ans, a déclaré à ses proches que la police lui avait versé dessus de l’eau bouillante et de l’acide, et lui avait passé du courant électrique sur les parties génitales.