Selonune une étude de l’assureur-crédit Euler Hermes, publiée mercredi 17 mai, « en 2017, deux entreprises sur trois comptent investir au moins autant qu’en 2016 ». | XAVIER LEOTY / AFP

Le message a été répété, dimanche 14 mai, par l’ancien président François Hollande, qui venait de laisser la place à son successeur, Emmanuel Macron. L’économie tricolore va mieux, et les indicateurs de conjoncture poursuivent leur lent, mais continu, redressement. C’est ce que souligne une étude de l’assureur-crédit Euler Hermes, parue mercredi 17 mai : « En 2017, deux entreprises sur trois comptent investir au moins autant qu’en 2016. » Mieux, 53 % du millier de PME (petites et moyennes entreprises) et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) sondées privilégient un investissement « offensif » : augmentation des capacités de production, lancement d’une nouvelle activité, dépenses de recherche et développement (R&D) ou opération de croissance externe.

Le sujet, central, a été au cœur de la politique de l’offre menée par le gouvernement sortant, qui a souhaité abaisser le coût du travail avec des mesures telles que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Objectif : regonfler les marges des entreprises et réenclencher la dynamique d’investissement, condition indispensable, selon l’exécutif, à une reprise des embauches.

« Les entreprises sont prêtes. Après un point bas en 2015, dû aux conséquences du choc fiscal [de la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy et du début du quinquennat de François Hollande], tous les signaux sont revenus au vert. La trésorerie des entreprises est assainie, les surcapacités de production sont en grande partie résorbées et le rebond des dépenses des ménages en logement soutient la construction », résume Ludovic Subran, directeur de la recherche économique chez Euler Hermes.

Pression sur les prix

Selon l’Insee, l’investissement total en France a crû de 2,7 % en 2016, après une hausse de 0,9 % en 2015. Il a même bondi de 4 % pour les entreprises l’an dernier, un record. Le taux d’utilisation des capacités de production s’est établi à 83,6 % en avril, au plus haut depuis mi-2008. L’Institut national de la statistique et des études économiques anticipe toutefois un ralentissement cette année, en raison de l’arrêt, le 15 février, de la mesure de suramortissement fiscal, plébiscitée par les entreprises.

Euler Hermes se veut plus optimiste :

« Le programme économique d’Emmanuel Macron devrait porter l’investissement des entreprises : la substitution des cotisations employés par une hausse de la CSG et l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des Français devraient soutenir les débouchés, en parallèle à un contre-choc fiscal [baisse de l’impôt sur les sociétés, recul de six points des cotisations sociales employeurs en remplacement du CICE]. »

Seul bémol : alors que la visibilité s’améliore sur le carnet de commandes – 6,4 mois en 2016 contre 5 mois en 2015 –, 51 % des PME-ETI tricolores se plaignent de la pression sur les prix.

Avec une croissance attendue entre 1,3 % et 1,5 % cette année, la dynamique d’investissement peine toutefois à se traduire dans l’économie. Un paradoxe résumé dans une autre étude, intitulée : « L’énigme de l’investissement », publiée mardi par La Fabrique de l’industrie, un groupe de réflexion d’industriels.

Concentration extrême

« Ce n’est pas un problème de niveau d’investissement, mais d’efficacité de celui-ci », analyse Vincent Charlet, directeur de ce laboratoire d’idées. Il évoque aussi sa concentration extrême : 3 000 entreprises, dont la moitié de grands groupes, réalisent 70 % des dépenses d’investissement et le taux d’investissement des PME reste nettement en deçà de la moyenne.

Autre piste : « Certains observateurs considèrent que l’investissement est improductif car insuffisamment orienté vers des activités innovantes, à forts gains de productivité. » Or, pour ces secteurs, avec des « innovations radicales qui supposent une phase plus ou moins longue d’incubation, suivie, en cas de succès, d’une croissance très rapide », le crédit bancaire est moins adapté que le financement en capital, dont manque encore l’Hexagone.

Autre facteur limitant les retombées immédiates de l’investissement sur la croissance et l’emploi : « Notre pays importe beaucoup de ses dépenses d’investissement, comme les machines-outils venues d’Allemagne », souligne Ludovic Subran, qui rappelle qu’« environ 15 % des investissements français des entreprises sont des importations ».

Le déficit d’investissement français n’est donc pas près de se résorber. « Le manque de débouchés a généré un retard d’investissement qui s’élevait à 40 milliards d’euros mi-2015. Il est encore de 38 milliards aujourd’hui et pourrait atteindre 35 milliards fin 2018. Au rythme actuel, il faudra quinze ans pour le combler. Il faut donc adopter une politique industrielle proactive », estime M. Subran, qui salue le plan d’investissement de 50 milliards prévu sur le quinquennat.