Sylvie Goulard, à Paris, le 13 mai. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Sylvie Goulard espérait au minimum les affaires européennes. Elle sera ministre des armées. L’eurodéputée MoDem est presque une nouvelle venue sur la scène politique française, mais elle dispose, à 52 ans, d’une expérience européenne fournie.

Sylvie Goulard s’est ralliée au mouvement En marche ! dès 2016, bien avant l’alliance entre Emmanuel Macron et le créateur du MoDem, François Bayrou, scellée en février. De ces mois de campagne, elle garde un grand souvenir du meeting de la porte de Versailles, le 10 décembre 2016, lorsque le candidat a fait vibrer sa fibre proeuropéenne. « C’était fabuleux. Il fallait voir comment la salle a réagi », se souvient l’ancienne conseillère du président de la commission européenne Romano Prodi au moment de la convention sur la constitution européenne, peu avant l’élargissement de l’Union.

Fédéraliste ? Mme Goulard l’est de longue date, par conviction, mais l’ancienne présidente du Mouvement européen en France sait que cette étiquette n’est pas facile à porter par les temps qui courent en raison de la montée en puissance des forces europhobes. « Au-delà du débat sur les structures, l’idée est de redonner confiance, d’apporter de la sérénité dans le débat sur l’Europe », dit cette habituée des think tanks, souvent sollicitée pour exposer ses analyses, qu’elle sait défendre avec pugnacité, à Berlin, Londres ou Rome. « L’approche d’Emmanuel Macron vis à vis de l’Europe ne concerne pas que la zone euro », disait-elle avant l’investiture du nouveau chef de l’Etat, « l’objectif est aussi de faire progresser la défense européenne, de mieux gérer nos frontières ou d’aller, par exemple, vers un commerce loyal ».

Cette juriste de formation a été élue au Parlement européen en 2009, sur les listes de l’Ouest puis réélue en 2014, sur celles du Sud-Est. Elle s’est spécialisée sur les questions économiques et monétaires, non sans regretter la marginalisation du parlement de Strasbourg par les Etats au plus fort de la crise des dettes souveraines. De cette expérience amère, elle a tiré plusieurs essais, dont un cosigné avec le président du Conseil italien de l’époque, Mario Monti (De la démocratie en Europe, Flammarion, 2012). « Même en italien, elle était plus efficace que moi pour présenter notre livre », se rappelle le dirigeant italien: « Mme Goulard est capable à la fois d’être très pédagogue auprès du grand public et de multiplier les contacts de haut niveau pour bâtir des majorités ».

« Grande gueule »

Sylvie Goulard est polyglotte – elle parle couramment l’allemand, l’anglais et l’italien en plus du français –, et n’a pas sa langue dans sa poche. « Elle est tout sauf diplomate, et cultive un côté grande gueule », dit un de ses homologues de droite qui préfère ne pas être cité, « elle ne sait pas se faire des amis et regarde tout le monde de haut, quitte à surestimer ses capacités ». Ainsi s’est elle lancée avec panache, et beaucoup d’improvisation, dans la course à la succession, en janvier, de l’Allemand Martin Schulz à la présidence du Parlement européen. Son propre chef de groupe, le Belge Guy Verhofstadt, avec qui elle entretient des relations exécrables, s’est mis en travers de sa route pour la forcer à renoncer.

Ses idées libérales ne lui ont pas toujours valu que des amitiés. Au moment de la crise de l’euro, ses collègues eurodéputés de gauche se souviennent l’avoir vu emboîter le pas aux grandes banques françaises pour torpiller l’éventuelle séparation de leurs activités de détails et d’affaires, comme suggérée par le commissaire français de l’époque Michel Barnier. « Elle est assez germano-germanique dans sa façon de plaider pour le respect des règles communes sur le plan budgétaire », critique Philippe Lamberts, le président du groupe des Verts au Parlement européen.

Mme Goulard, elle, revendique sa proximité avec Wolfgang Schäuble, le grand argentier de la chancelière Angela Merkel – dont elle a fait la connaissance lors de la réunification de l’Allemagne, pour ses débuts au Quai d’Orsay. Cette catholique est également associée à la Convention chrétienne européenne, née en 2015 afin d’étendre en Europe les grandes rencontres politico-œcuméniques qui attirent les foules outre-Rhin (les Kirchentage): l’eurodéputé vert Sven Giegold, lui-même protestant, qui dirige cette initiative, apprécie « l’engagement social » de celle qui a créé à Strasbourg un intergroupe consacré à la pauvreté. Nul doute qu’Emmanuel Macron pourra aussi s’appuyer sur ses liens pour retisser la relation entre la France et l’Allemagne.