C’est le « ministère de l’actualité », le portefeuille traditionnellement placé sous le feu des projecteurs que va investir Gérard Collomb, nouveau ministre de l’intérieur. Et comme sous le précédent quinquennat, la lutte contre le djihadisme et la crise migratoire resteront en première ligne de l’agenda.

  • Sécurité : renforcement du renseignement et police de proximité

Du fait de la menace terroriste, le thème de la sécurité est aujourd’hui centré politiquement sur la lutte contre le phénomène djihadiste. Le candidat Macron a assuré que le sujet sera l’une de ses priorités. S’il va au bout de ses promesses, le nouvel hôte de la Place Beauvau devrait en particulier poursuivre le renforcement du renseignement français, tout en créant une nouvelle entité qui sera directement rattachée au président de la République. Le périmètre de cette structure reste toutefois à définir et sa pertinence l’objet d’interrogations.

L’autre grand chantier auquel devrait s’atteler le ministre de l’intérieur est la refonte d’une « police de proximité », comme voulue par le candidat Macron. Les tensions dans les quartiers sensibles sont aujourd’hui constantes. Reste à savoir exactement comment. Le nouveau président de la République a promis le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ainsi que la généralisation effective des caméras piétons lors des contrôles d’identité dans l’espoir d’améliorer les relations jeunes-police. Une mesure déjà validée sur le plan législatif et réglementaire.

  • Etat d’urgence : en sortir ou pas ?

Faut-il ou non prolonger une sixième fois l’état d’urgence ? C’est l’une des premières questions que le nouveau gouvernement devra trancher au lendemain des élections législatives de juin. Ce régime d’exception est en vigueur jusqu’au 15 juillet. Pour le prolonger, un projet de loi devra être soumis au Conseil d’Etat, approuvé en conseil des ministres puis voté dans les mêmes termes par le Sénat et l’Assemblée nationale avant cette date butoir. Le plus dur est d’assumer le risque politique d’en sortir.

Emmanuel Macron avait affirmé pendant la campagne électorale qu’il arrêterait sa décision après avoir pris connaissance des informations en possession des services de renseignement et de sécurité. Proclamé dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, l’état d’urgence a perdu aujourd’hui beaucoup de son utilité alors que, par nature, il ne peut être prolongé indéfiniment. Au 12 mai, 68 personnes sur l’ensemble du territoire font encore l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, dont près de vingt depuis plus d’un an.

  • Immigration : gérer l’accueil, réduire la durée d’étude des demandes d’asile

Pour respecter les accords européens, le nouveau ministre de l’intérieur devra organiser l’arrivée de 26 506 migrants avant fin 2017, dans le cadre de la relocalisation. La France qui, à l’automne 2015, s’était engagée à l’arrivée de 30 000 réfugiés en provenance de Grèce, d’Italie et de Turquie, n’en ayant accueilli que 3 404 sous le quinquennat Hollande.

Le candidat Macron a par ailleurs promis dans son programme de réduire la durée d’étude des dossiers de demandeurs d’asile à six mois, procédure d’appel comprise. Un chantier qui passera forcément par l’augmentation du nombre de fonctionnaires affectés à cette mission au sein des préfectures. C’est aujourd’hui un des points de blocage majeurs.

Reste à savoir ce que le nouveau chef de l’Etat envisage en matière d’accueil des migrants. A Paris, le centre de transit déborde, laissant de nombreuses personnes à la rue faute d’une prise en charge efficace de l’Etat à la sortie. A Calais la situation empire de jour en jour, et à la frontière franco-italienne de nombreux migrants sont refoulés, empêchés de déposer leur demande d’asile en France. 

  • Cultes : la question du financement de l’islam

Le gouvernement Cazeneuve laisse un chantier inachevé dont le candidat Macron a semblé vouloir reprendre les grandes lignes : celui de l’organisation du culte musulman.

Place Beauvau, après les attentats de janvier 2015, Bernard Cazeneuve avait imaginé un système à deux étages. Une Fondation de l’islam de France, d’intérêt public, chargée d’impulser et de financer des actions universitaires, éducatives et culturelles liées à la connaissance de l’islam. Elle est en place depuis quelques mois sous la présidence de Jean-Pierre Chevènement.

Le second volet, en revanche, est au point mort. Il s’agit de la création d’une association cultuelle qui serait en mesure de financer la construction de mosquées et la formation des imams. Du fait de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, cette institution ne peut être que privée. Mais les différentes fédérations musulmanes, qui ont chacune des sources de financement particulières, sont loin d’un accord pour y parvenir. Le programme de campagne du nouveau chef de l’Etat prévoyait la création d’une « fédération nationale de l’islam de France, regroupant des associations cultuelles locales » aptes à financer la construction de mosquées et la formation d’imams. Cela suppose de mettre ces fédérations d’accord.