French national football team coach Didier Deschamps gives a press conference in Paris on May 18, 2017, to announce his squad for the World Cup 2018 qualifiers against Sweden on June 9, and friendly football match against Paraguay and England on June 2 and 13. / AFP / FRANCK FIFE | FRANCK FIFE / AFP

Le ton est ferme, le propos est flou. Maniant humour grinçant et langue de bois avec maestria, Didier Deschamps a joué sur du velours, jeudi 18 mai, vingt-quatre heures après la parution dans L’Equipe d’un entretien abrasif avec Karim Benzema.

Comme attendu, le patron des Bleus a une nouvelle fois choisi de ne pas convoquer l’attaquant madrilène pour les matchs amicaux contre le Paraguay (le 2 juin) et l’Angleterre (le 13 juin), ainsi que pour la rencontre qualificative pour le Mondial russe de 2018 contre la Suède (le 9 juin).

Quoique « sélectionnable », selon la Fédération française de football (FFF), Karim Benzema, 29 ans, est mis au ban des Bleus depuis novembre 2015 et sa mise en examen dans l’affaire du chantage à la sextape fait à son coéquipier Mathieu Valbuena.

A la veille de l’annonce de cette liste, l’attaquant du Real Madrid (18 buts cette saison toutes compétitions confondues) avait choisi de mettre la pression sur Deschamps et le sommer à briser un silence entretenu depuis avril 2016.

Benzema : « Tout cela ne tient plus »

« Tout cela ne tient plus, au bout d’un moment,  se lamentait dans L’Equipe celui qui disputera, le 3 juin, sa troisième finale de Ligue des champions avec les Merengue. On exhume un tas de choses au fur et à mesure pour justifier ce non-retour. Il n’y a plus de cohérence entre ce qui se passe pour expliquer la situation et ce qui se passe autour. C’est pour ça que j’ai demandé des explications au sélectionneur. Cela peut durer deux minutes, une explication. Ce n’est pas compliqué, une explication. »

 « Si c’est pour le foot, c’est pour le foot. Si c’est pour autre chose, c’est pour autre chose », insistait Benzema, soucieux de déplacer son cas sur un terrain plus sociétal voire politique.

Karim Benzema et Mathieu Valbuena, à l’époque où ils jouaient encore ensemble en équipe de France, en stage de préparation à la Coupe du monde 2014. | CHARLES PLATIAU / Reuters

Loin de véritablement donner les dessous de sa décision, le patron des Bleus l’a justifiée à sa manière, invoquant la notion de « groupe ».

« Je vous ferai une réponse : l’équipe de France s’est construite avant l’Euro, elle s’est consolidée à travers la compétition où la France a réussi à aller en finale, a développé le technicien. Elle a continué à l’être dans cette phase de qualifications. J’ai un groupe avec un équilibre, dans lequel il y a une vraie harmonie. »

Deschamps : « Je ne changerai rien »

« J’ai fait confiance à des joueurs qui ont répondu sur le terrain, j’ai incorporé de jeunes joueurs car je considère qu’ils ont un fort potentiel, a poursuivi le capitaine des champions du monde 1998 avec un air sentencieux. Je suis l’unique décideur, je prends des décisions dans un cadre sportif. Pour moi, j’ai toujours considéré qu’un groupe, que le collectif, est au-dessus de tout, je prends toujours des décisions pour le bien de l’équipe de France. (...) Je ne changerai rien. »

Le cas Benzema avait motivé de nombreux journalistes à assister au point presse de Deschamps. Certains ont sondé le sélectionneur sur son éventuel « agacement » causé par les déclarations du buteur du Real Madrid. Quelques jours avant l’ouverture de l’Euro 2016, ce dernier avait notamment assuré, dans les colonnes de Marca, que le patron des Bleus avait cédé « à la pression d’une partie raciste de la France » en ne le retenant pas pour le tournoi.

« Je n’ai pas l’habitude d’être agacé. Je n’ai pas de problème avec la critique. J’ai été joueur », a répondu Deschamps.

« C’est pitoyable »

Dans l’auditorium de la FFF, les journalistes de l’Equipe ont d’ailleurs demandé à Deschamps s’il ne souhaitait pas riposter « plus violemment » aux déclarations de Benzema. « Cela fait partie de ma fonction. Cela peut créer des problèmes ponctuels. Je ne suis pas surpris par ça, je suis préparé », a balayé le Basque, impavide.

« C’est pitoyable », a-t-il fini par lâcher lorsque le quotidien sportif l’a interpellé sur le « like » accordé par Benzema à un photomontage partagé sur Instagram par son ami le rappeur Booba. Ledit photomontage, publié après un exploit technique de l’attaquant contre l’Atlético Madrid en demi-finales de Ligue des champions, le présentait en train de slalomer entre l’ex-premier ministre Manuel Valls (qui s’était prononcé contre son retour en équipe de France), son ancien coéquipier chez les Bleus Olivier Giroud (sélectionné) et... Didier Deschamps.

L'herbe y sera plus verte bâtard! @karimbenzema #9milli

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Bras de fer

La conférence de presse du sélectionneur laisse à penser qu’un flou artistique règne toujours autour du cas Benzema, dont le nom n’est plus mentionné par les comptes officiels des Bleus sur les réseaux sociaux depuis un an et demi. L’affaire est arrivée à son extrémité dans la mesure où le joueur attend une explication « en face et yeux dans les yeux », qu’il n’obtiendra sans doute pas. Se sentant victime d’une forme de mépris malgré ses état de services avec les Tricolores (81 sélections, 27 buts depuis 2007), le protégé de l’entraîneur madrilène Zinédine Zidane n’entend pourtant pas abdiquer.

« Ce serait plus facile aujourd’hui de dire : “j’arrête.” De dire ça parce que j’en ai assez vu et entendu ! Ça arrangerait aussi beaucoup de monde que je prenne cette décision... Mais je reste à la disposition de l’équipe de France », répète dans L’Equipe Benzema, dont le patronyme ne figure pas dans les listes de présélection de cinquante joueurs.

« Benzema, Deschamps n’en veut plus », dit-on dans les couloirs de la FFF, laissant entendre que l’attaquant ne serait plus, sauf catastrophe sportive, appelé en sélection jusqu’au terme du mandat de Deschamps, après la Coupe du monde 2018 en Russie. Outre le vivier offensif dont dispose le patron des Bleus (Griezmann, Mbappé, etc.), on pointe notamment la personnalité d’un joueur en rupture avec la dynamique du groupe.

Si cette tendance était avérée, le madré technicien n’aurait aucun intérêt à l’assumer publiquement. Le bras de fer entre Benzema et Deschamps ne fait que commencer.