Edinson Cavani et son trophée de meilleur joueur de la saison de Ligue 1, le 15 mai à Paris. | FRANCK FIFE / AFP

« De vrais champions ». Au lendemain de la victoire décisive de l’AS Monaco contre Lille (4-0) lors de la 37e et avant-dernière journée de Ligue 1, dimanche 14 mai, le titre barrait la « une » du quotidien sportif L’Equipe, avec une photo de Monégasques tout à leur joie. On aimerait savoir ce qu’ont pu penser les joueurs du PSG, dont la série de quatre titres consécutifs prenait ainsi fin, d’un tel qualificatif, qui traduit par ricochet la cote d’amour légèrement abîmée dont jouit désormais le club de la capitale.

Malgré une deuxième partie de saison sur les chapeaux-de-roue, au moins sur le territoire national, les Parisiens terminent leur exercice sur un constat d’échec, sportivement mais aussi en termes d’image. Ils sont privés de la manita espérée, cette main que les supporteurs espagnols aiment à ouvrir pour célébrer un quintuplé, un titre pour chaque doigt. Il en manque donc un au PSG. Serait-ce le majeur ?

Car si les Monégasques font de l’avis général de beaux – en plus d’être de « vrais » – champions, les Parisiens n’ont pas convaincu dans le rôle du perdant magnifique, se drapant trop souvent dans les oripeaux du sale gosse, gâté de surcroît, qui perd ses nerfs en même temps que le respect du jeu, des adversaires, des spectateurs et, en premier lieu, du corps arbitral.

Edinson Cavani aura passé beaucoup de temps à lever les mains lors de cet exercice. D’abord parce que celui qui a été élu meilleur joueur du championnat par l’UNFP, le syndicat des joueurs, va terminer meilleur buteur de la saison avec un total exceptionnel, égal ou supérieur à ses 35 réalisations avant la dernière journée, samedi 20 mai. Mais aussi parce que l’Uruguayen, comme trop de ses coéquipiers, a pris la mauvaise habitude de foncer vers l’arbitre, les mains au ciel, éructant à la moindre décision, contestable ou non, là n’est même plus la question.

Les arbitres en cache-misère

Paris pointe pourtant au tableau d’honneur de la Ligue de football professionnel (LFP), à la troisième place du classement du fair-play, derrière Montpellier et Monaco. Une hiérarchie qui rend compte des clubs les moins sanctionnés (un carton jaune coûte un point, un rouge trois), mais qui ne porte pas forcément bien son nom, et témoigne surtout de la patience des hommes en noir vis-à-vis de la culture du coup de pression et de la harangue arbitrale côté parisien.

Le comique de répétition atteignant son sommet lors de la finale de la Coupe de la Ligue, remportée 4-1 contre Monaco, lorsque les Parisiens hurlaient au scandale au moindre fait de jeu, alors que la faute d’arbitrage la plus évidente de cette rencontre était en leur faveur, avec le premier but de Julian Draxler validé malgré une position de hors-jeu de l’Allemand.

AS Monaco - Paris Saint-Germain (1-4) (Finale) - Résumé - (ASM - PARIS) / 2016-17

La défaite concédée par les Parisiens sur le terrain de l’autre rival, l’OGC Nice, le 30 avril (3-1), apparaît aujourd’hui comme le nadir de leur saison en Ligue 1 et le témoin de leur incapacité à s’extraire d’eux-mêmes, de leur propre résultat, pour perdre en beauté, les armes à la main et surtout la tête haute. Un match décisif terminé à neuf contre onze après les expulsions d’Angel Di Maria et Thiago Motta, des nerfs qui lâchent, et un président qui tombe dans les clichés et la condescendance vis-à-vis de l’arbitrage et du football français en général, dont il est supposé être un des hommes forts. « Si on veut développer la Ligue 1, il faut développer aussi l’arbitrage, parce que, vraiment, c’est un cauchemar », avait notamment lâché Nasser Al-Khelaïfi, qui siège au conseil d’administration de la LFP.

OGC Nice - Paris Saint-Germain (3-1) - Résumé - (OGCN - PARIS) / 2016-17

« Comment ne pas s’interroger après de tels propos à l’emporte-pièce ? », s’était indigné en réaction le syndicat des arbitres d’élite (SAFE), dénonçant le recours à une « vieille recette éculée du contre-feu que nombre de ses homologues éminents ont éprouvée avant lui ». « Non, ce n’est pas monsieur l’arbitre qui tue le match”, ce sont certains gestes et comportements inadmissibles, sur et autour des terrains, qui tuent le football ! », avait ajouté le SAFE.

Une équipe qui joue toute seule

Ne pas savoir perdre, c’est aussi ne pas savoir gagner. Illustration une semaine plus tard, lors de la victoire fleuve (5-0) contre Bastia, au Parc des Princes. L’occasion de montrer que les « champions » sont ceux qui ne lâchent rien, en infligeant une rouste aux Corses pour mettre la pression sur l’ASM.

Sauf que l’image qui est restée de cette rencontre est celle d’une joie inappropriée, celle des Parisiens entourant Marco Verratti, auteur du deuxième but. L’Italien venait d’envoyer une superbe frappe dans la lucarne du portier bastiais, Jean-Louis Leca… alors que celui-ci était en train de s’enquérir de la santé du Parisien Blaise Matuidi, resté au sol après un contact dans la surface de réparation.

Paris Saint-Germain - SC Bastia (5-0) - Résumé - (PARIS - SCB) / 2016-17

Le milieu de terrain s’est d’ailleurs dit « désolé » après la rencontre, « parce que le gardien a été fair-play : il est venu me voir, mais je pense que Marco n’a pas vu, il a joué le jeu ». Avant de remettre quand même un tacle à l’arbitre, tout en évoquant une justice immanente : « il y avait certainement une faute sur moi, donc, voilà je pense que le 2-0 est logique. »

Le but de Verratti était donc en quelque sorte un but contre son camp symbolique, grossissant le trait de ce PSG prêt à tout, jusqu’à ignorer un gardien adverse qui baisse la garde pour relever un adversaire. Une sorte d’entorse aux règles du jouer ensemble, une faute fêtée et fatalement révélatrice d’un état d’esprit que l’on dira de compétiteur pour éviter de dire égoïste. Rien de surprenant, pas de quoi être fier non plus.

Le PSG laisse depuis quelques mois l’impression d’une équipe qui joue toute seule. Impression tranquillement confirmée, presque « à l’insu de son plein gré », par le capitaine parisien Thiago Silva, lorsqu’il expliquait dimanche soir, à l’issue de la remise des trophées de la saison de l’UNFP, que Paris s’était battu tout seul cette saison. « On ne doit pas regarder Monaco, mais nous-mêmes. C’est nous qui avons perdu le championnat », analysait le défenseur brésilien, avant de reconnaître que « Monaco a fait une très bonne saison » : « C’est pour ça que je les ai félicités. »

Pendant ses vacances, le capitaine parisien pourra toujours préparer ses causeries d’avant match en relisant le Bréviaire des vaincus, du penseur franco-roumain Emil Michel Cioran, toujours réconfortant, qui estime qu’« un peuple établi est un peuple perdu, tout comme l’est un homme assagi. Les gens de sac et de corde, les vauriens, les scélérats agressifs bâtissent les empires ; les députés, les idéologies et les principes les gouvernent et les ruinent. »

Le champion destitué devra aussi se convaincre que sa fin de règne lui donne une occasion unique, celle de véritablement grandir. En acceptant la concurrence, l’existence des autres, bref en renonçant au monde d’avant, qu’il s’était bâti : celui d’un PSG isolé dans une tour d’argent autant que de Babel, un club enfermé dans sa propre bulle, qui à vaincre sans péril, triomphait peut-être sans gloire.