Le gouvernement s’est donné quelques mois de répit sur un dossier empoisonné s’il en est. Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, jeudi 18 mai, la nomination d’un médiateur dans le dossier du projet controversé d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), près de Nantes (Loire-Atlantique).

A quoi s’est engagé M. Macron ?

L’annonce de M. Philippe donne corps à la promesse d’une médiation faite par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Après avoir affirmé, en avril 2017, sur le plateau de l’« Emission politique », sur France 2, que « l’aéroport se fera[it] », le candidat s’était montré beaucoup moins catégorique. Il avait ainsi rectifié son propos lors d’un entretien avec le Fonds mondial pour la nature (WWF) sur Facebook :

« Je prendrai ma décision six mois après l’élection, mais avec malgré tout en tête le fait que la concertation locale a donné un avis favorable. Donc il faudrait des éléments forts pour que nous y revenions. »

Le candidat d’En marche ! avait dit qu’il fallait « calmer le jeu » mais aussi « regarder en parallèle » un réaménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique.

Que devra faire le médiateur ?

« Il y aura un médiateur qui va permettre de mettre l’ensemble des choses sur la table, d’étudier l’ensemble des options, et ensuite nous prendrons une décision qui sera assumée, qui sera claire », a déclaré Edouard Philippe, jeudi sur France Inter.

Le médiateur devra notamment étudier la possibilité d’optimiser cette infrastructure existante qui n’a pas atteint sa saturation.

Mais ce travail a déjà été fait : Ségolène Royal, défavorable au projet de nouvel aéroport, avait missionné trois inspecteurs généraux des ponts, des eaux et des forêts, mandatés le 13 janvier 2016 pour remettre à plat le dossier et étudier des alternatives au projet de NDDL.

Dans un rapport très complet de plus d’une centaine de pages, rendu public mardi 5 avril 2016, ils avaient retenu deux possibilités : agrandir l’actuelle plate-forme aéroportuaire ou garder le site de Notre-Dame-des-Landes pour le nouvel aéroport, mais en en diminuant la surface et, de fait, l’impact environnemental.

Sans préconiser l’abandon, ils avaient rejeté le projet défendu par le gouvernement et le chef de l’Etat, le jugeant « surdimensionné ».

Quelle est la position de Nicolas Hulot sur ce dossier ?

L’arrivée de Nicolas Hulot peut-elle changer la donne ? Les écologistes veulent y croire. Jeudi 18 mai, sur France Inter, le directeur du WWF France, Pascal Canfin, a jugé impensable la poursuite du projet. « Vous n’imaginez pas une seconde qu’avec Nicolas Hulot entré au gouvernement, Notre-Dame-des-Landes puisse se faire », a dit l’ancien ministre délégué au développement.

Un projet « vicié, gangrené » et portant « en lui les racines de la discorde »

Longtemps, Nicolas Hulot fut un fervent adversaire d’un projet qu’il considère comme « vicié, gangrené » et portant « en lui les racines de la discorde ». Sa nomination comme envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète, le 6 décembre 2012, ne l’avait pas privé de sa liberté de parole sur ce dossier.

« Ce projet d’aéroport avait une pertinence d’un point de vue régional lorsque le baril de pétrole valait quelques dollars, que les terres agricoles n’étaient pas des terres précieuses, que le changement climatique n’était pas là… Tout ça a changé », avait-il déclaré dans un entretien au Monde en décembre 2012.

Dans Libération, le 10 septembre 2015, il qualifiait le projet d’« investissement du siècle dernier » qui ne justifiait pas que l’on sacrifie « 500 hectares de terres agricoles. » Le 12 novembre 2015, dans les colonnes du Nouvel Observateur, il disait clairement qu’il fallait renoncer au projet « comme à tous les investissements qui ne sont plus pertinents, car ils ont un impact négatif sur le climat : les énergies fossiles, les engrais chimiques (fabriqués à base de gaz naturel)… » Ajoutant :

« Compte tenu de l’état de nos finances et des priorités du XXIe siècle, il faut renoncer à des choix devenus obsolètes. Cette mise en cohérence ne va pas de soi, et je sais qu’elle prendra du temps, mais il faut faire vite. »

Mais, après la consultation locale organisée par François Hollande le 26 juin 2016, qui s’est conclue par l’approbation (à 55,17 %) des électeurs de la Loire-Atlantique du transfert de l’aéroport vers Notre-Dame-des-Landes, Nicolas Hulot avait changé de pied. S’il avait accueilli le résultat comme « une bien mauvaise nouvelle », l’opposant expliquait qu’il s’inclinait devant ce vote démocratique.

Et que dit le premier ministre ?

En octobre 2016, l’actuel premier ministre, Edouard Philippe, jugeait quant à lui « terrible le délitement du mécanisme de décision dans une démocratie » et lançait au gouvernement :

« Il faut y aller ! »

Jeudi, pour justifier ce nouveau délai sur ce dossier, le premier ministre a évoqué « un sujet extraordinairement compliqué sur lequel aujourd’hui nous ne sommes pas en mesure de prendre un choix éclairé ».