Julian Assange vit reclus dans l’ambassade d’Equateur à Londres depuis 2012. | Kirsty Wigglesworth / AP

Après des années de procédure, le parquet suédois a annoncé, vendredi 19 mai, qu’il classait sans suite l’enquête pour viol à l’encontre de Julian Assange. Ce qui ne signifie pas la fin des ennuis pour le cofondateur de WikiLeaks. Voici huit questions pour comprendre la situation précaire de l’Australien.

  • Qui est Julian Assange ?

Julian Assange est le cofondateur de WikiLeaks, un site dont la vocation est de permettre aux lanceurs d’alerte de rendre des documents publics. Julian Assange s’est notamment fait connaître quand WikiLeaks a publié, en 2010, des milliers de documents secrets de l’armée américaine sur les guerres en Irak et en Afghanistan, révélant au passage plusieurs scandales et s’attirant les foudres des Etats-Unis. Ce hackeur australien de 45 ans est reclus depuis juin 2012 dans l’ambassade d’Equateur à Londres.

  • Que lui reprochait la Suède ?

Julian Assange était visé par des plaintes pour viol et agression sexuelle, commis lors d’un passage en Suède. La justice suédoise voulait l’interroger sur ces accusations, préalable à une possible mise en examen. Vendredi, la Suède a classé sans suite cette enquête ouverte en 2010 et a prévu de mettre un terme au mandat d’arrêt européen visant l’Australien.

  • Pourquoi la Suède a-t-elle classé l’enquête sans suite ?

Selon la procureure Marianne Ny, il n’est pas possible de l’arrêter « pour l’instant », et les éléments sont insuffisants pour poursuivre l’enquête. Elle a tenu à préciser, devant des journalistes, que cette décision n’attestait pas de son innocence.

La plaignante suédoise qui accuse Julian Assange s’est dite « choquée ». « C’est un scandale qu’un violeur présumé puisse échapper à la justice », a déclaré son avocate, Elisabeth Fritz, dans un communiqué.

  • Reste-t-il des charges en Suède ?

Non, mais l’affaire pourrait être réouverte si Julian Assange reposait le pied sur le territoire suédois d’ici à 2020 – date à laquelle les faits dont il est accusé seront prescrits.

  • Pourquoi est-il reclus dans l’ambassade d’Equateur à Londres ?

Julian Assange a toujours nié les accusations de viol, et a accusé la justice suédoise d’agir pour le compte des Etats-Unis, et d’avoir monté de toutes pièces un dossier qui aboutirait en fait à son extradition vers les Etats-Unis.

La justice suédoise avait lancé une procédure d’extradition contre Julian Assange, que ce dernier avait contestée en vain devant les tribunaux britanniques. L’Equateur lui a alors accordé in extremis, en 2012, l’asile politique. Le cofondateur de WikiLeaks s’est réfugié dans l’ambassade équatorienne de Londres pour échapper à une arrestation et à l’extradition vers la Suède.

  • Peut-il désormais en sortir ?

La police britannique a fait savoir vendredi qu’elle était « obligée » d’arrêter Julian Assange s’il sortait de l’ambassade. Mais pour « un délit bien moins sérieux », a-t-elle expliqué dans un communiqué : en se rendant dans l’ambassade d’Equateur et en se soustrayant à la police britannique, le cofondateur de WikiLeaks avait violé en 2012 les conditions de sa liberté sous caution au Royaume-Uni. Il risque pour cela une peine allant de la simple amende jusqu’à un an de prison.

Mais une autre menace pèse sur Julian Assange sur le territoire britannique : « Depuis le début, le Royaume-Uni a toujours refusé de dire s’ils avaient reçu un mandat d’arrêt américain », a expliqué au Monde Christophe Marchand, l’un de ses avocats. « S’il y en avait un il faudrait être au courant, car le risque est énorme qu’il soit traité comme Chelsea Manning », celle qui avait fourni les documents de l’armée américaine à WikiLeaks. Elle avait été condamnée en cour martiale à trente-cinq ans de prison – avant de voir sa peine commuée en janvier par Barack Obama, et de retrouver sa liberté mercredi 17 mai.

L’Equateur a, de son côté, demandé vendredi au Royaume-Uni d’accorder à Julian Assange une « sortie sûre » du pays.

  • Quelle est la situation de Julian Assange aux Etats-Unis ?

Il n’existe pas officiellement de poursuites contre Julian Assange aux Etats-Unis. Il y fait toutefois l’objet d’une enquête depuis 2010, liée à la publication des documents secrets de l’armée américaine par WikiLeaks. Un jury s’était réuni en secret pour étudier le dossier, mais ce dernier n’avait progressé que très lentement ces dernières années.

La publication de milliers d’e-mails piratés de la campagne d’Hillary Clinton par WikiLeaks, qui avait mis dans l’embarras la candidate démocrate, avait valu à Julian Assange les louanges de nombreux sympathisants de Trump. Donald Trump lui-même avait déclaré, lors d’un meeting en octobre 2016 : « J’aime WikiLeaks ! ».

Le vent pourrait toutefois tourner. Depuis plusieurs semaines, WikiLeaks, qui a mis la main sur des outils d’espionnage secrets de la CIA, les publie au fur et à mesure sur son site. Le directeur de l’agence, Mike Pompeo, s’en est depuis violemment pris à l’organisation de M. Assange, la qualifiant « de service de renseignement non étatique hostile, souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie ». Quelques jours plus tard, le ministre de la justice américain, Jeff Sessions, avait affirmé que l’arrestation de Julian Assange était une « priorité ». Selon CNN, citant des sources anonymes, les Etats-Unis prépareraient une procédure pour inculper le fondateur de WikiLeaks.

  • La France a-t-elle un rôle à jouer ?

Juan Branco, l’avocat français de Julian Assange, a demandé vendredi au président de la République, dans un communiqué, « d’offrir à Julian Assange l’asile politique ». Ce dernier attend en fait un geste et un soutien de la part des autorités françaises et ne prévoit pas de déposer de demande formelle d’asile auprès des autorités françaises, a cependant précisé M. Branco au Monde.

Julian Assange avait déjà fait un geste vers la France, lui demandant en 2015 de l’accueillir, en vain. Si deux candidats à l’élection présidentielle, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, avaient fait savoir qu’ils souhaitaient accorder respectivement l’asile et la nationalité française à Julian Assange, Emmanuel Macron ne s’est quant à lui jamais exprimé sur la question.