En nommant, mercredi 17 mai, Robert Mueller procureur spécial pour une enquête sur les liens éventuels entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et les responsables des piratages informatiques, imputés à la Russie, visant les démocrates pendant la présidentielle, Rod Rosenstein, l’attorney general adjoint des États-Unis, était sûr d’une chose : que son choix serait accueilli au Congrès avec une satisfaction égale en intensité au dépit qu’il provoquerait à la Maison Blanche.

Jusqu’à l’avant-veille de cette nomination, provoquée par la multiplication des révélations par la presse, l’entourage de M. Trump pensait en effet pouvoir faire l’économie d’une terminologie taboue au 1600, Pennsylvania Avenue tant elle rappelle des précédents embarrassants : Kenneth Starr pour Bill Clinton, dans les années quatre-vingt-dix (l’affaire Monica Levinsky), et surtout Archibald Cox pour Richard Nixon, vingt ans plus tôt (l’affaire du Watergate).

C’est d’ailleurs cette mémoire que Donald Trump avait voulu invoquer lorsqu’il avait assuré, lors du deuxième débat présidentiel avec Hillary Clinton, le 9 octobre, qu’il nommerait, une fois devenu président, un procureur spécial pour faire la lumière à propos des « mensonges » incalculables qu’il prêtait à son adversaire.

Brillante carrière, sans accroc

Se tourner vers Robert Mueller est cependant une garantie de consensus. Fils de famille passé par Princeton, alors sportif émérite, puis médaillé du Vietnam, juriste impeccable, ce dernier a enchaîné sans accroc les étapes d’une brillante carrière qui l’a conduit du département de la justice, où Rod Rosenstein a travaillé sous son autorité dans des affaires de corruption, à la tête de la police fédérale.

Après une confirmation brillante au Sénat (98 voix pour et aucune contre), il en prend la direction une semaine avant les attentats du 11-Septembre, qui ouvrent une période noire pour le FBI et le renseignement américain, accusés, l’un comme l’autre, d’avoir été incapables de repérer les signaux avant-coureurs de la plus sanglante attaque étrangère perpétrée sur le sol américain.

Robert Mueller préserve alors le FBI en allant au-devant des préoccupations sécuritaires et des attentes de l’opinion américaine. Il met en œuvre des programmes de surveillance de masse inédits dans l’histoire américaine.

En 2004, il fait front alors que la Maison Blanche veut profiter de l’hospitalisation de l’attorney general John Ashcroft pour faire adopter des dispositions que ce dernier juge illégales. Il trouve un allié en la personne de l’adjoint de M. Ashcroft, James Comey, qui lui succédera.

Record de longévité à la tête du FBI, après Edgard Hoover

Le changement de couleur politique à la Maison Blanche, en 2009, ne l’affecte pas. Le démocrate Barack Obama le prolonge même au-delà des dix ans statutaires, jusqu’en 2013. Robert Mueller est d’ailleurs le directeur du FBI resté le plus longtemps en fonction, après son inoxydable fondateur, Edgar Hoover, en place pendant près d’un demi-siècle.

Depuis son départ de la police fédérale, Robert Mueller, 72 ans, partageait sa vie entre des cours à Stanford sur la cybercriminalité et un prestigieux cabinet d’avocats de Washington, WilmerHale, qu’il a quitté en acceptant la proposition de Rod Rosenstein.

Il était sollicité dans ce cabinet pour les affaires sensibles. Il avait ainsi supervisé, pour le compte de la puissante National Football League, une enquête relative aux coups portés par une star des Ravens de Baltimore, Ray Rice, à sa compagne.

On avait également retrouvé Robert Mueller en position d’arbitre dans des contentieux à très lourds enjeux financiers tels que le dieselgate impliquant le constructeur allemand Volkswagen, ou le scandale des airbags défectueux du fabriquant japonais Takata.

Ces postes sensibles peuvent pourtant apparaître aujourd’hui comme des sinécures rapportées à ses nouvelles fonctions de procureur spécial pour une enquête liée au président des États-Unis.