Documentaire sur Arte à 22 h 25

Une jeune femme qui crie son amour pour son idole : voici ce qu’évoque le mot « fan » dans l’imaginaire collectif. Arte | Arte

L’étymologie du mot « fan » – abréviation du terme anglais fanatic – ne laisse guère de doute quant à la nature péjorative qui l’entoure. Méprisé, moqué ou craint, le fan est le plus souvent associé, au mieux, à l’image de jeunes femmes hystériques qui crient et se pâment devant leur idole ; au pire, à celle d’un garçon solitaire et déséquilibré. Cette seconde figure a d’ailleurs largement inspiré la ­littérature et le cinéma. On pense à Stephen King qui, rompant avec cette distinction très sexuée, a mis en scène dans Misery, non sans effroi, un écrivain aux prises avec l’une de ses admiratrices prête à tout pour qu’il ressuscite son personnage préféré.

Si l’on veut bien s’extraire de l’imaginaire collectif, admiration ne rime pas forcément avec dévotion béate ou tordue, comme le montre Tellement fan, le documentaire de Maxime Donzel, nourri des travaux pionniers de l’universitaire américain Henry Jenkins sur la « fan culture ».

Au côté du fan esthète qui cherche la perle rare, du collectionneur qui amasse tant qu’il peut, ou de la groupie sans cesse sur les traces de son idole, une catégorie s’est développée au point d’être devenue un sujet d’étude universitaire : le fan créateur. Si son essor doit beaucoup aux nouveaux médias, certains n’ont cependant pas attendu la naissance d’Internet pour transformer leur passion en projet artistique, parfois de manière très singulière. A l’image de l’étonnante Cynthia Plaster Caster (de son vrai nom Cynthia Albritton), sorte de légende du rock qui a immortalisé dans le plâtre les érections de Jimi Hendrix et Frank Zappa, avant de modeler des seins de rockeuses.

L’artiste américaine Cynthia Plaster Caster | BERND WUSTNECK / dpa Picture-Alliance/AFP

Mais la musique peut entraîner des prolongements artistiques plus prosaïques, à travers notamment la « fanfiction », ainsi que l’illustre le roman After, d’Anna Todd, inspiré de sa passion pour le groupe One Direction. A raison, Maxime Donzel, éclairé par les analyses d’universitaires et de journalistes spécialisés, s’attarde sur ce phénomène de réappropriation des œuvres (roman, film, série) dont les développements semblent infinis. Ainsi la franchise d’Harry Potter a généré entre 9 et 10 millions d’histoires. Certaines fanfictions ont connu un prolongement éditorial à succès. Le plus célèbre étant Cinquante nuancesde Grey, d’E. L. James, inspiré de Twilight. Et ce, au grand dam des puristes qui sont attachés au partage et à la gratuité.

Un marché très lucratif

Créateurs de contenus ou compilateurs de données à travers les « fandom » (ou « fanbase ») dans lesquels se « développe une intelligence collective », selon la chercheuse Ann-Kristin Hensen, les fans sont une véritable aubaine pour les producteurs et les GAFA, les géants du Web. Des traditionnelles et très lucratives conventions où se retrouvent notamment les « cosplayers » (fans qui se déguisent comme leur héros) aux plates-formes de création d’Amazon, la fanculture est devenue un marché très lucratif, comme le montre de manière un peu brouillonne ce documentaire.

Un film plaidoyer qui, sans parvenir à embrasser parfaitement son sujet – mais le peut-il vraiment, compte tenu de la richesse de cet univers et des interrogations qu’il soulève, en particulier sur le copyright ? –, offre une autre image du fan et, au-delà, de la culture populaire.

Tellement fan, les groupies contre-attaquent, de Maxime Donzel (Fr., 2017, 52 min).