Documentaire samedi 20 mai sur Arte à 20 h 50

25/04 - 19h30 : Tokyo, Cataclysmes et Renaissances - Bande annonce (En anglais)

Des anonymes en kimono traditionnel se baladant dans une rue de Tokyo en… 1898 : la scène paraît irréelle. Elle existe pourtant, filmée par l’un des opérateurs des frères Lumière venus saisir des moments de vie dans la jeune capitale japonaise. Car c’est elle – l’ancienne Edo –, que, trente ans plus tôt, l’empereur Meiji a choisie pour installer son pouvoir et symbo­liser le lancement d’une vaste ­politique de modernisation de l’Archipel. Aujourd’hui, Tokyo compte près de 14 millions d’habitants et s’impose comme une mégalopole fascinante sur le plan architectural.

Elle revient pourtant de loin. De très loin même, puisque, en cent cinquante ans, elle a été détruite deux fois. D’abord, le 1er septembre 1923, quand le séisme du Kanto a anéanti la quasi-totalité du centre historique et provoqué un immense incendie, faisant plus de 105 000 morts. Puis, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, ­lorsque les Américains, pour contrain­dre l’empereur Hirohito à capituler, ont largué sur la capitale des milliers de bombes qui ont tué plus de 100 000 civils.

Malgré les souffrances et les humiliations, les Tokyoïtes ont réussi, chaque fois, à se relever et à reconstruire une immense agglomération ultramoderne et prospère, dont Tokyo, cataclysmeset renaissances retrace l’histoire, à travers des images d’archives colorisées d’amateurs et de professionnels.

Restaurées et colorisées

C’est en 2013, après avoir diffusé Apocalypse, la seconde guerre mondiale, de Daniel Costelle et Isabelle Clarke, que les dirigeants de la NHK, la chaîne publique japonaise, ont eu l’idée de lancer un documentaire sur le passé de leur nation et l’évolution de leur capitale. « Il n’existait aucun film d’archives colorisées en Asie, explique Hiroshi Tanami, directeur adjoint du département de production de programmes de NHK. La colorisation est un plus qui rapproche le passé du présent. »

La chaîne a donc commandé un documentaire à Louis Vaudeville, le producteur de la série « Apocalypse ». Le film est ainsi la première déclinaison internationale de la saga à succès diffusée sur France 2, dont elle reprend le procédé (colorisation des archives), mais change la narration. « C’est pour cela qu’il n’y a pas le mot “apocalypse” dans le titre du film sur le Japon. La musique n’est pas signée Kenji Kawai et on n’entendra pas la voix de Mathieu Kassovitz, nous réservons le label “Apocalypse” à France 2 », précise M. Vaudeville. Si les premières images – celles notamment des techniciens des frères Lumière – sont le fait des Occidentaux, la majeure partie des archives proviennent de fonds japonais très peu utilisés.

Geisha buvant du thé et fumant. Style de vie traditionnel avant le plongeon dans la modernité au début du 20e siècle. | © NARA/CC&C

Restaurées et colorisées avec soin pour les films antérieurs à 1950, ces images permettent de ­reconstituer les étapes-clés de l’histoire de Tokyo, ses différentes métamorphoses, mais aussi et surtout de restituer sa mémoire ensevelie. Plus que les scènes certes saisissantes des destructions de 1923 ou de 1945 – qui laissent la ville exsangue, mais où se lit sur le visage des habitants une forme de soulagement après l’emprise militariste d’Hirohito sur le pays –, ce qui frappe, c’est bien l’extraor­dinaire résilience des Tokyoïtes.

Sociale, politique et architecturale, cette formidable fresque de Shinji Iwata adaptée par Olivier Julien – dont on peut saluer le choix des témoignages – dessine l’épopée d’une course à la modernité qui interroge ses habitants.

Tokyo, cataclysmes et renaissances, d’Olivier Julien, d’après le film de Shinji Iwata (France-Japon, 2016, 90 min).