Journée de sélection pour le centre de formation du club de rugby de Bobigny. | Vincent Leloup / Divergences pour "Le Monde"

Passer du 973 au 93 pour jouer au rugby, tel est le défi que s’est lancé le Guyanais Chrislain Deron. Installé à plusieurs milliers de kilomètres de la Seine-Saint-Denis, ce joueur de 19 ans a entendu parler de la qualité de la formation de l’AC Bobigny 93 et n’a pas hésité un instant à effectuer un long voyage pour tenter sa chance. Il faisait partie, le 6 avril 2017, de la quarantaine de participants à une journée de détection de l’AC Bobigny 93 pour les joueurs et joueuses âgés de 15 à 21 ans. Leur but ? Intégrer le centre de formation du club.

Toute la journée, leurs qualités techniques, leurs capacités physiques et leur motivation ont été examinées. Avant de commencer les tests, Philippe Legendre, responsable du centre balbynien de formation, les a encouragé : « le club a tout fait pour que cette journée compte dans votre vie ». Cet ancien joueur a ensuite montré les cadres qui décorent le club house protégeant les maillots de clubs prestigieux ou de sélections nationales qui ont été portés, puis offerts, par des joueurs et des joueuses passés par l’AC Bobigny 93. « A vous de marcher sur la traces des aînés », leur a intimé ce quinquagénaire au caractère bien trempé, citant notamment Valentin Courrent, Yves Donguy ou Yacouba Camara.

Si les noms des deux premiers, désormais éloignés du haut niveau, parlent peu aux visiteurs du jour, celui de Yacouba Camara a plus de résonance. Ce troisième-ligne de 22 ans joue depuis quatre saisons au Stade toulousain et s’apprête à rejoindre le Montpellier Hérault Rugby. Il compte déjà trois sélections avec l’équipe de France. Son parcours brillant a commencé à l’AC Bobigny 93, un club envers lequel il se montre très reconnaissant. « Les dirigeants et les éducateurs sont au service des jeunes et ils font vraiment tout pour qu’on réussisse », explique ce natif d’Aubervilliers. Aujourd’hui, il est content de pouvoir les aider en retour et, à la demande du club, il lui arrive de passer un coup de fil à un jeune rugbyman balbynien pour le recadrer ou le conseiller.

Une concurrence de plus en plus vive dans le 93

Après six années passées à Bobigny, Yacouba Camara a intégré le centre de formation du RC Massy, place forte du rugby francilien, où il a découvert le rugby professionnel. Les mouvements de joueurs sont assez fréquents entre ce club de l’Essonne et celui de Bobigny. Massy, qui évoluera de nouveau en proD2 la saison prochaine, représente clairement un exemple à suivre par sa capacité à faire jouer en équipe première des jeunes formés en interne. Mais cette politique est difficile à mettre en place à Bobigny. « Le niveau est très élevé en fédérale 1 et la marche n’est pas évidente à franchir. C’est très rare d’avoir des jeunes issus des catégories de jeunes qui parviennent à intégrer notre équipe première », souligne Alexandre Compan, entraîneur des seniors à Bobigny.

Romain Fardoux fait partie de ces exceptions. Il a grandi dans une cité voisine du stade Henri-Wallon, antre de l’AC Bobigny 93. Il y a fréquenté l’école de rugby du club, avant de passer par les différentes catégories puis de rejoindre l’équipe seniors. En échec scolaire, il avoue qu’il aurait pu « faire des conneries » s’il n’avait pas rejoint ce club où il a trouvé un précieux accompagnement. Il a misé sur le rugby et ce pari semble sur le point de payer puisqu’il a été repéré par un brillant club de Top 14. Ce puissant joueur de 20 ans devrait en effet rejoindre la saison prochaine le centre de formation de La Rochelle.

A l’occasion de cette journée de détection, Romain Fardoux est présent sur la pelouse du stade Wallon pour animer des ateliers et juger de la qualité des aspirants. Plusieurs seniors participent à l’organisation de cette opération, en gérant y compris le repas de midi. L’occasion de montrer que les licenciés ne se contentent pas ici de jouer au rugby et qu’ils participent activement à la vie de l’AC Bobigny 93. « Ceux qui viennent ici ne doivent pas se contenter de consommer. Il doivent s’identifier à notre club et comprendre son état d’esprit. Les jeunes qui entrent au centre de formation sont rarement déçus », assure Boris Bouhraoua, un des responsable de cette structure. La saison prochaine, Chrislain Deron pourra se faire sa propre opinion puisqu’il a été invité à quitter la Guyane pour rejoindre la promotion 2017/2018.

Le fait de posséder un centre de formation labellisé par la Fédération française de rugby constitue un atout de poids pour Bobigny. Dans la partie nord de la France, aucun autre club de fédérale ne propose de structure similaire, le plus proche se trouvant à Rouen. Et c’est logiquement vers l’AC Bobigny 93 que se tournent les rugbymen du département en quête d’une formation poussée. « C’est le club phare du 93 depuis de longues années », résume Jean-Pierre Guinoiseau, président du comité départemental de rugby de la Seine-Saint-Denis. Une hégémonie que le club de Bobigny a de plus en plus de mal à défendre, sur le terrain comme en dehors. La Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DNCAG) a en effet prononcé une mesure de rétrogradation en fédérale 2 à cause du déficit budgétaire que connaît le club à l’issue de la saison actuelle. Une décision contre laquelle Bobigny entend faire appel dans les prochains jours pour préserver sa place au sein de l’élite amateur.