Emmanuel Macron, pendant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, le 4 mai, à Albi. | PASCAL PAVANI / AFP

La Commission européenne a confirmé, lundi 22 mai, avec la publication de ses « recommandations pays par pays » (un exercice annuel destiné à lister les réformes souhaitées par Bruxelles pour les Etats de l’Union), qu’elle attendait avec impatience la future réforme du code du travail du président Macron.

Améliorer « l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’emploi, notamment les travailleurs les moins qualifiés, et les personnes issues de l’immigration, y compris en révisant la formation professionnelle » figure parmi ses quatre « recommandations » à la France. Le message bruxellois est clair : même s’il a baissé à 10,1 % de la population active en 2016, le taux de chômage français est jugé trop élevé, encore très légèrement supérieur à la moyenne en zone euro (10 % en 2016).

L’institution communautaire pointe une grande inégalité d’accès aux formations qualifiantes et aux emplois pour les citoyens non nés dans l’UE : 54,5 % de ceux en âge de travailler sont au chômage. Et « les deuxièmes générations de migrants sont également confrontées à des taux d’emploi médiocres ne s’expliquant ni par la différence d’âge ni par l’éducation ou les compétences ».

Revoir le système fiscal

C’est loin d’être la première fois que la Commission prône une réforme du marché du travail français. Elle le faisait déjà dans ses « recommandations » de 2016 et de 2015. Elle a d’ailleurs reconnu, lundi, qu’avec l’adoption à l’été 2016 de la loi El Khomri, la France avait introduit des « mesures à même d’améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques ».

De nombreux experts estiment que la crédibilité de « réformateur européen » de M. Macron dépend de sa capacité à faire adopter cette loi.

Le président français a fait savoir, dimanche 21 mai au soir, qu’il rencontrerait les partenaires sociaux dès mardi. M. Macron souhaite présenter dès cet été un projet de loi pour simplifier le droit du travail par ordonnances et décentraliser la négociation sociale. A Bruxelles, de nombreux experts estiment que la crédibilité de « réformateur européen » de M. Macron dépend de sa capacité à faire adopter cette loi. La France traîne jusqu’à présent au niveau européen une réputation de pays « impossible à réformer ».

Intervenant dimanche sur France Inter à propos des futurs projets législatifs du président, le commissaire à l’économie, le socialiste français Pierre Moscovici, a prudemment précisé que le mot « réformes [pour Bruxelles] n’est pas un mot punitif » et que si « la Commission n’a pas à s’immiscer dans les affaires d’un pays », la France « a besoin de changements et de réformes ».

Lundi, la Commission a également conseillé à Paris de revoir son système fiscal, en insistant sur l’opportunité d’augmenter la part de la TVA dans les prélèvements globaux, et de poursuivre la baisse de l’impôt sur les profits des entreprises. Enfin, elle a recommandé au gouvernement français de continuer à lever les « barrières » à l’accès sur certains marchés des services (architectes, taxis, professions comptables, etc.) et à simplifier les mécanismes d’aide à l’innovation, jugés trop nombreux et pas tous efficaces.

Valeur indicative

Les recommandations bruxelloises, qui ne sont pas en contradiction avec le programme de l’ex-candidat Macron devenu président, n’ont qu’une valeur indicative : elles constituent juste une étape du « semestre européen », le cycle de surveillance budgétaire des pays de l’UE par la Commission, qui n’a absolument pas la capacité d’imposer une réforme à un Etat.

« Mon message n’est pas de faire pression », a encore déclaré M. Moscovici, dimanche. Certes, à Bruxelles, le projet de « refondation » de l’UE du président français est jugé ambitieux et suscite beaucoup d’espoirs. Et il a été particulièrement bien reçu par la chancelière Angela Merkel lors de leur première rencontre officielle.

Mais on estime à la Commission que M. Macron ne parviendra à convaincre ses partenaires de soutenir cette réforme qu’à condition qu’il mette d’abord la France « d’équerre ». Et que le pays respecte à nouveau le pacte de stabilité et de croissance, alors que le déficit public hexagonal n’est pas repassé sous les 3 % du PIB depuis 2008. C’est d’ailleurs la première des quatre recommandations de lundi.

La Commission rappelle que Paris s’était engagé en 2015, à la suite d’un nouveau délai de grâce de deux ans, à ramener son déficit public à 2,8 % du PIB en 2017, mais, selon ses prévisions économiques de printemps, la France devrait être plutôt à 3 % cette année et repasser à nouveau au-dessus de ce seuil, à 3,2 % en 2018, « à politiques inchangées ». Le compte n’y est donc pas tout à fait, même si l’objectif est jugé tout à fait « atteignable » par Bruxelles.

Recommandations à l’Allemagne

L’institution communautaire a également publié, lundi, deux recommandations pour l’Allemagne, dont la principale concerne, comme les années précédentes, la nécessité pour ce pays d’investir plus encore. « Utiliser davantage sa politique budgétaire pour stimuler la demande intérieure », « accélérer l’investissement public à tous les niveaux de gouvernement, spécialement dans l’éducation, la recherche et l’innovation » ou encore « les infrastructures ».

Si Berlin n’a toujours pas été sanctionné à Bruxelles pour son excédent budgétaire courant jugé excessif (8,7 % du PIB, alors que le seuil européen est de 6 %), le ressentiment monte à l’égard de la politique de rigueur outre-Rhin, accusée de déstabiliser en partie ses partenaires commerciaux en zone euro. Hasard du calendrier ? Lundi, le ministère allemand des finances publiait un rapport mensuel inhabituel, signalant qu’après avoir augmenté en moyenne de 3,8 % par an entre 2005 et 2016, les investissements publics devraient progresser « d’environ 5 % dans les années à venir » jusqu’à 2021. Le document évoque même un « boom » à venir.

S’il se concrétise, ce signal serait de très bon augure, à la fois pour la zone euro et pour le couple franco-allemand, que le président Macron ambitionne de relancer, ce qui suppose que chacun des deux pays fasse sa part du chemin.