Les joueurs de Monaco et des milliers de confettis, le 17 mai. | BORIS HORVAT / AFP

Vous n’avez pas supporté qu’Edinson Cavani soit désigné meilleur joueur de Ligue 1 à la place de Valère Germain ? Vous trouvez honteux que Danijel Subasic soit élu meilleur gardien alors que le Dijonnais Baptiste Reynet a fait la saison de sa vie ?

Comme le regretté Ballon de Plomb de nos amis des Cahiers du football, Le Monde rend la parole au peuple des amateurs critiques de Ligue 1 et vous propose de décerner ces trophées auxquels l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) n’avait pas pensé, ou qu’elle n’a pas osé retenir.

Avant de voter, souvenez-vous bien des critères qui doivent entrer dans votre réflexion et de l’enjeu du résultat : il n’y en a aucun.

Le scrutin est ouvert une semaine, jusqu’au lundi 29 mai à minuit.

 

Trophée « Jérôme Cahuzac » du passement de jambes fiscal

Faut-il créer une section football au Parquet national financier ? La question peut se poser au terme d’une saison dominée par l’AS Monaco qui bénéficie d’un statut fiscal privilégié au sein de la Ligue 1, et propriété d’un expert de l’évasion fiscale.

Comme Dmitri Rybolovlev, Waldemar Kita a eu l’honneur des Panama Papers, pour sa société basée aux Iles Vierges. S’agissait-il du président du FC Nantes, comme tout porte à le croire, ou d’un homonyme asiatique et probablement noir, comme il l’a très sérieusement répondu au Monde ? Le doute lui bénéficiera peut-être au moment du vote…

Le Paris Saint-Germain, qui a pour habitude d’être en lice dans toutes les compétitions, a candidaté au prix Jérôme Cahuzac en fin de saison, à la faveur des Football Leaks : selon Mediapart, le club était au courant du montage offshore pour le paiement des droits d’image d’Angel Di Maria. Il en aurait même bénéficié – une seule fois, a promis le PSG.

Le LOSC et l’Olympique de Marseille ont toutefois l’occasion de finir l’année avec un trophée. Leurs nouveaux propriétaires, respectivement Gérard Lopez et Frank McCourt, ont trouvé plus confortable de faire racheter le club par une structure basée dans un Etat fiscalement avantageux, respectivement les Iles Vierges britanniques et le Delaware.

 

Trophée « François Hollande » du président qui ne devrait pas dire (ou faire) ça :

Nasser Al-Khelaïfi, c’est pas ma faute. La stature du président parisien, et sa statue de commandeur du football français, se sont légèrement effritées à l’issue d’une saison marquée par la déroute barcelonaise en C1, et le titre monégasque en L1. Deux échecs, un responsable tout désigné : l’arbitre. « Malheureusement il y a l’arbitre, je pense que si on veut progresser en Ligue 1, il faut développer aussi l’arbitrage parce que vraiment c’est un cauchemar », avait analysé le Qatari après la défaite à Nice, en hommage à Caliméro.

Jean-Michel Aulas, lost in twitterland. Adepte des réseaux sociaux, qu’il a rapidement utilisés comme une tribune pour sa communication offensive, le président des Gones en serait-il devenu l’esclave, pendu à son fil Twitter, répondant aux trolls en tout genre, jusqu’à en devenir un ? Signe d’une certaine crispation, @JM_Aulas s’est illustré ces dernières semaines lors de joutes plutôt ras des pâquerettes avec ses propres supporteurs de l’OL.

Bernard Serin à la faute. « C’est comme si la justice avait condamné le Bataclan. » Voilà comment le président messin avait réagi à la sanction (trois points de pénalité dont un avec sursis) qui avait frappé son club après les incidents lors de Metz-Lyon, lorsqu’un pétard avait touché le gardien des Gones. Des propos légèrement déplacés, que Bernard Serin ne reniera ensuite qu’à moitié, plaidant l’incompréhension plutôt que le dérapage :

« A aucun moment, je n’ai pu avoir cette stupidité ou ce manque de recul malsain et indécent (...). Je n’ai pas comparé les faits eux-mêmes, qui sont clairement incomparables, j’ai comparé mon impuissance d’organisateur d’événement pour qu’il en découle le caractère injuste de la sanction. Cette polémique est donc totalement incompréhensible. »

Jean-Louis Triaud part en fumée. Le président bordelais attendait peut-être ça depuis très longtemps : après avoir annoncé son départ du club, qu’il dirigeait depuis vingt et un ans, le Girondin s’est offert un petit plaisir en allant craquer un fumigène au milieu d’une tribune, entouré de supporteurs hilares. On ne connaît pas encore la durée de son interdiction de stade…

 

Trophée « Jacques Séguéla » de l’opération de com’

Ce fut le point culminant de la saison de Hatem Ben Arfa : lunettes sur le nez – pour mieux voir le jeu –, il descend les escaliers vers le canal Saint-Martin – pour faire bosser les cuisses – puis réclame, face caméra, qu’on lui « donne (sa) chance ». La vidéo, qu’on qualifiera de décalée, a fait un carton sur les réseaux sociaux. Moins chez Unaï Emery, qui ne l’a plus aligné une seule minute en championnat. #LaForceDuDestin.

Autre opération de com’ qui s’est mal terminée : la tournée des médias (y compris Le Monde) de Jacques-Henri Eyraud, sympathique président de l’Olympique de Marseille, avant le « classique » de la Ligue 1 face au Paris Saint-Germain. Le dimanche, l’OM s’incline 5-1 au Vélodrome. Mais sur un karaoké hip-hop, Nasser Al-Khelaïfi n’aurait pas fait le fier face à Jacques-Henri Eyraud.

L’ex-futur propriétaire de l’OM et nouveau propriétaire du LOSC, Gérard Lopez, a réussi un joli coup de com’ en plaçant Marcelo Bielsa à Lille, club qui avait cessé d’être sexy depuis le départ d’Eden Hazard en 2012. Mais on ne saura qu’en fin de saison prochaine si c’était aussi un bon coup sportif.

On n’aura peut-être jamais le fin mot de l’histoire du sponsor « Tchad-Oasis du Sahel » sur le maillot du FC Metz. Voilà une opération de communication qui n’a pas coûté bien cher, puisque le pays d’Afrique centrale, en pleine crise économique, n’a visiblement pas payé grand chose, et que les Grenats ont fait parler d’eux. Côté sportif, Metz s’en est mieux sorti après avoir changé de sponsor.

Mention enfin pour la Ligue de football professionnel (LFP) qui, après avoir affublé la Ligue 2 d’une marque de pizzas, associe la Ligue 1 à des meubles pour gratter moins de dix millions d’euros par saison. « Nous visions, au départ, une marque peut-être un peu plus prestigieuse », a reconnu un dirigeant de la Ligue.

 

Trophée « Godot » du joueur qu’on n’attendait plus

Depuis une grave blessure en 2014, le « tigre » Falcao avait des airs de vieux matou. Ses deux prêts anglais s’étaient soldés par des échecs. On parlait même d’exiler en Chine l’ex-futur terreur des surfaces. Puis le Colombien est revenu sur le Rocher, a été nommé capitaine, marqué 21 buts en 29 matchs de Ligue 1 et 7 en 10 de Ligue des champions. Un vrai miracle.

Le cas de Mario Balotelli paraissait tout aussi désespéré. Rien à voir avec un physique défaillant, plutôt son côté ingérable d’adolescent turbulent. L’avant-centre italien restait sur deux buts en deux saisons de Premier league et de Serie A. Sous les ordres de l’habile Lucien Favre, le Palermitain a battu son record en carrière : 15 buts en 23 matchs de Ligue 1. Une vraie résurrection.

Yohann Pelé, victime d’une embolie pulmonaire alors qu’il était aux portes des Bleus, n’avait pu exercer son métier de 2010 à 2014. Relancé à Sochaux en Ligue 2, remplaçant la saison dernière à l’OM, le gardien a pris la suite de Steve Mandanda. Résultat, « l’albatros », 1 m 96, possède le record de « clean sheets » (18 matchs sans but encaissé). Un vrai tour de force.

Son passage désastreux à Newcastle n’a pas refréné l’OM au moment de rapatrier Florian Thauvin. A raison : il a enfin confirmé – 15 buts, 9 passes décisives et une influence énorme sur le jeu voulu par Rudi Garcia. En mars, l’éternel espoir a même découvert les Bleus. L’une des têtes à claque du football français a remporté le prix orange de la disponibilité remis par les suiveurs de l’Olympique de Marseille. Une vraie revanche.

 

Trophée « Helena Costa » du meilleur entraîneur portugais

Leonardo Jardim, tout récent champion de France et élu meilleur entraîneur de la saison, est forcément un candidat sérieux à cette récompense pleine d’audace et d’innovation. D’abord, bien que né au Venezuela, il remplit le critère de la nationalité portugaise. Il est également l’inspirateur de ce trophée particulier par son autodérision désarmante : « En 2014 et 2015, j’ai gagné la truelle d’or, si je gagne cette année le trophée UNFP ce sera une progression. » Ce fut le cas.

Arrivé en décembre 2016 sur le banc nantais, né à Coimbra, Sergio Conceiçao est également bien Portugais. L’ancien international est par ailleurs très efficace dans son art puisqu’il a ramené Nantes de la 19e place à la 7e place. Il a resigné jusqu’en 2020 en doublant son salaire, ce qui en fait le mieux payé des Canaris.

Le Lisboète Rui Almeida, le troisième candidat, a lui aussi la qualité d’être un entraîneur portugais. L’ancien sélectionneur de l’équipe olympique de Syrie ne peut en revanche pas revendiquer la même réussite sportive. En tout cas, les chiffres sont contre lui : Bastia a terminé la saison à la 20e place, une place moins bien que lors de sa nomination en février dernier.

Enfin, si Lucien Favre est Suisse, né à Saint-Barthélémy, sa maestria tactique, sa gestion de Balotelli et sa qualification en Ligue des champions avec Nice, méritait bien cette entorse à l’intitulé du trophée, que nous autorise la libre circulation des travailleurs.

 

Trophée « Emmanuel Macron » du mec qu’on ne connaissait pas mais qui s’en est pas mal sorti

« Il a surpris son monde car on le connaissait pas trop ». Cette phrase de Jemerson sur son coéquipier, Kamil Glik, est un poil exagérée pour l’ex-capitaine du Torino. Mais elle illustre bien le relatif anonymat dans lequel évoluait le défenseur polonais avant son transfert à Monaco. Glik n’en a cure, il en impose, il tacle, et il marque (8 buts). De quoi figurer dans l’équipe-type de la Ligue 1.

Deux mois de plus avec Wylan Cyprien et Nice pouvait peut-être chatouiller un peu plus le PSG. Avant de se blesser, le néophyte, formé à Lens, a ébloui la Ligue 1 par sa vitesse, sa technique et sa qualité de frappe. Grâce à ses buts spectaculaires, à l’image de son coup franc au Parc des Princes, le milieu offensif a tout pour confirmer la saison prochaine et devenir le Cyprien le plus connu de YouTube.

Epais comme un sandwich SNCF (58 kg pour 1 m 67) et minois de collégien, Maxime Lopez ne devrait pas jouer dans la rugueuse Ligue 1. Et pourtant, le milieu de terrain de 19 ans est la révélation de l’OM et semble plus prendre le chemin de Nasri que celui de Yahiaoui, ex-espoir olympien déchu. Malgré un léger moins bien en cours de saison, le minot suscite déjà les convoitises.

Loïs Diony n’a pas cillé en passant de la Ligue 2 à l’élite du football français. Le Landais a inscrit 11 buts pour sa première saison en Ligue 1, le même total que la saison dernière. Avec 7 passes décisives, l’attaquant au dread locks décolorés a grandement contribué au maintien de Dijon.

 

Trophée « Kylian Mbappé » du meilleur Kylian Mbappé

On aurait volontiers proposé la candidature de Thierry Henry, mais l’ancien Kylian Mbappé a rangé les crampons. Le seul nommé pour le prix Kylian Mbappé est donc Kylian Mbappé, 18 ans, 15 buts et 8 passes décisives en 28 matchs de L1 cette saison.

Et si vous en avez déjà assez d’entendre ou de lire le nom du nouveau petit prodige du football français, pas d’inquiétude, la trêve arrive. Et le mercato. Et les rumeurs de transferts. Qui vont pour beaucoup tourner autour d’un certain attaquant de l’AS Monaco. Et non, ce n’est pas Valère Germain.

 

Prix spécial du jury : le supportérisme en France

Le supportérisme français n’était plus à une année près, depuis le temps qu’il souffre du manque d’investissement ou de la désorganisation de ses parties prenantes – forces de l’ordre, dirigeants du football et supporteurs. Mais, alors que la saison précédente avait semblé marquer un progrès dans l’organisation des rapports entre les différents acteurs, celle-ci laisse l’impression d’un retour en arrière.

Les arrêtés préfectoraux interdisant les déplacements sont toujours aussi nombreux, souvent pour des raisons fallacieuses. Le dialogue entre la LFP et les associations de supporteurs reste compliqué, l’instance nationale du supportérisme créée par la loi il y a un an patine et peu de clubs ont sérieusement travaillé à l’installation d’un officier de liaison avec les supporteurs, autre volet préventif de la loi Larrivé. De l’autre côté, la bêtise de certains supporteurs continue de se manifester sporadiquement, ici un jet de pétards ou des insultes racistes visant les joueurs, là une tribune saccagée ou un terrain envahi, éclaboussant l’ensemble de leur mouvement.

Le football français parvient de nouveau à attirer des joueurs et entraîneurs confirmés, continue de révéler des talents, s’ouvre à un jeu plus ambitieux. Mais ses stades, surtout les plus clinquants, restent vides. Peut-être parce qu’ils sont silencieux ?

 

Ils vont nous quitter (la Ligue 1)

Pas de bonne cérémonie sans un hommage aux disparus. Ceux-là ne joueront sans doute plus en Ligue 1 la saison prochaine, et ils vont nous manquer.

Nicolas Seube (37 ans), 520 matchs avec le Stade malherbe de Caen, joueur le plus capé de l’histoire du club, et qui aurait pu prétendre à une nouvelle saison dans l’élite avec les Normands, sauvé in extremis, 17e de L1. Mais celui qui fut élu Ballon d’eau fraiche par les Cahiers du foot en 2016, et qui a décliné la proposition des supporteurs malherbistes qui voulaient ériger une statue à « Seube ce héros », a annoncé la fin de sa carrière pro à l’issue de sa 17e saison. « Oui, le corps ne suit plus et j’ai mal partout. Mais c’est surtout que dans la tête, ça suit beaucoup moins aussi. Je n’ai plus envie comme avant. Et j’ai l’envie de voir autre chose », expliquait-il à Ouest France en mars.

Gaël Danic (35 ans), vainqueur de l’Euro des moins de 18 ans en 2000, 17 saisons de L1, 466 matchs, et une relégation en bout de course avec le SC Bastia. Le meneur ou ailier pourrait poursuivre l’aventure à l’échelon inférieur, sans rancunes. « Tous mes entraîneurs m’ont dit que j’ai pas fait la carrière que j’aurais dû avoir », lâchait le joueur en 2015, à So foot. « Le football, c’est pas que le talent pur, il faut bosser, se remettre en question. Ça fait que 8 ans que je suis vraiment un joueur de Ligue 1. » Et désormais de L2 ?

Alou Diarra (35 ans), et Benoît Pedretti (36 ans). Le duo de milieux internationaux de l’AS Nancy Lorraine n’a pas tenu le choc sur l’ensemble de la saison, passant la deuxième partie à l’infirmerie. Le premier, finaliste du Mondial 2006, 44 sélections, a débuté en pro en 2002, ratissant ballons et titres à Lyon, Marseille ou Bordeaux, avant de voguer, puis de galérer, en Angleterre. Le second, 18 ans de foot pro, 22 sélections au compteur, formé à Sochaux, a connu diverses fortunes à Marseille et Lyon, avant une renaissance à Auxerre, puis la confirmation à Lille. Avec son style à l’ancienne, réputé pour sa rudesse et sa qualité de frappe, Pedretti savait aussi se montrer décisif à l’occasion, en atteste sa maman, qui racontait dans une interview en 2003 que son fils avait été repéré après avoir inscrit 12 buts lors d’un seul match, chez les jeunes de son club d’Audincourt. Cela ne l’empêche pas d’arriver en fin de contrat en juin.