Donald Trump, à Riyad, le 21 mai. | EVAN VUCCI / AP

Editorial du « Monde ». Dans la bataille stratégique qui se joue au Moyen-Orient – en Syrie, au Yémen, en Irak et même au Liban – l’Amérique de Donald Trump choisit son camp. Les Etats-Unis sont auprès de leurs alliés arabes sunnites, sans la moindre réserve. Ils ne cherchent plus à dialoguer avec l’Iran, la puissance chiite montante dans la région. Au contraire, M. Trump a désigné, dimanche 21 mai, la République islamique comme étant un adversaire aussi important que les extrémistes sunnites d’Al-Qaida ou de l’organisation Etat islamique (EI). C’est un revirement.

Barack Obama espérait que la conclusion d’un accord sur le programme nucléaire iranien, le 14 juillet 2015, amènerait l’Iran à des positions plus accommodantes dans la région, en Syrie notamment. Il n’en a rien été. Téhéran est resté plus que jamais le protecteur du régime de Bachar Al-Assad, le parrain du mouvement chiite libanais Hezbollah et la puissance encadrant de puissantes milices, chiites elles aussi, irakiennes. L’Iran a poursuivi le développement de son arsenal de missiles balistiques et une politique expansionniste au Moyen-Orient.

La fin de la parenthèse Obama

S’adressant, dimanche à Riyad, en Arabie saoudite, à un parterre de chefs d’Etat et de premiers ministres arabes, M. Trump leur a tenu le discours qu’ils attendaient. La parenthèse Obama est refermée : fini l’esquisse d’un rapprochement entre Washington et Téhéran. Les Etats-Unis en reviennent à leur alliance traditionnelle avec le régime saoudien, le chef de file du monde arabe sunnite. Ils entendent même transformer le royaume en un géant militaire régional – au grand profit de l’industrie de défense américaine, qui compte empocher, dans les années qui viennent, quelque 110 milliards d’euros de contrats avec Riyad.

Oublié aussi le discours de l’administration Obama sur les responsabilités directes, idéologiques et financières, des Saoud et de leurs alliés arabes du Golfe dans la propagation du terrorisme djihadiste – dans la région, dans toute l’Afrique de l’Ouest et en Europe même. Tout juste le président Trump a-t-il évoqué la nécessité pour les dirigeants arabes de surveiller les circuits de financement occultes (du djihadisme) et les discours de leurs prédicateurs. L’ennemi principal, c’est l’Iran, qui, a dit M. Trump, « finance, arme et entraîne des terroristes (…) qui répandent la destruction et le chaos à travers la région ».

Le lieu et le moment comptent. M. Trump s’exprimait à Riyad au lendemain de l’élection présidentielle en Iran et à la veille de sa visite en Israël. Il renforce la monarchie saoudienne, la plus dictatoriale et la plus arriérée de la région. Coïncidence : une majorité d’Iraniens (57 %), dans un scrutin laissant une part à la libre expression, venaient de renouveler leur désir d’ouverture, en accordant un deuxième mandat au président réformiste Hassan Rohani.

Mais le président américain, quelques heures avant de se poser à Jérusalem, a également conforté la ligne stratégique d’Israël. Les Israéliens voient les choses comme les Arabes sunnites : le djihadisme façon EI ou Al-Qaida n’est pas une menace existentielle ; le vrai danger est l’expansionnisme iranien. M. Trump ancre ainsi sa politique moyen-orientale dans une manière de guerre froide opposant deux camps : Arabes sunnites, Israéliens et Américains d’un côté ; Iraniens, leur protégé syrien et Russie de l’autre. Ce peut être le prélude à une négociation générale, comme la poursuite des guerres sans fin qui ravagent la région.