Antoine Bozio, directeur de l'institut des politiques publiques, en janvier 2016. | HAMILTON/REA / HAMILTON/REA

Depuis sa création, le Prix du meilleur jeune économiste, décerné par Le Monde et le Cercle des économistes, vise à distinguer non seulement l’excellence de la production académique des économistes français de moins de 41 ans, mais aussi leur contribution au débat public en matière de politique économique ou de prise de décision parmi les acteurs privés, en débordant éventuellement vers d’autres sciences sociales.

On retrouve donc, dans l’attri­bution de ce prix, la mission du Cercle des économistes, qui est d’organiser et de promouvoir un débat économique ouvert et accessible à tous. Fondé en 1992, à l’initiative de Jean-Hervé Lorenzi, le Cercle réunit 30 membres, pour la plupart universitaires, qui ont exercé ou exercent des respon­sabilités privées ou publiques. Chacun de ces membres a des approches et des compétences diffé­rentes, garantissant ainsi une richesse des débats. Mais une conviction les rassemble : la nécessité d’offrir un espace de dialogue et de confrontation d’idées entre les économistes et avec la société.

Un prix créé, en 2000, par « Le Monde » et le Cercle des économistes

Le Prix du meilleur jeune économiste, créé en 2000 par Le Monde et le Cercle des économistes, vise à valoriser les travaux d’un économiste français ou travaillant en France de moins de 41 ans. Pouvaient concourir tous les économistes issus du monde universitaire ou des grandes écoles, en France ou à l’étranger, dont les travaux relèvent de l’économie appliquée et qui permettent de promouvoir le débat public. Les candidats devaient adresser au Cercle des économistes, outre un CV détaillé, les trois publications leur paraissant les plus représentatives de leur production scientifique, ainsi qu’une note de synthèse soulignant l’intérêt et l’originalité de leurs apports. Sur cette base, les membres du Cercle des économistes ont évalué les dossiers et les membres du jury final, présidé par André Cartapanis et associant les représentants du Cercle des économistes et du Monde, ont attribué le prix et décerné trois nominations, remis à la Banque de France par le gouverneur François Villeroy de Galhau.

Cette année, pour l’attribution du Prix du meilleur jeune économiste 2017 et des trois nominations, le jury a reçu 42 candida­tures, contre 45 l’an dernier, 41 en 2015, 34 en 2014 et 33 en 2013. Onze des participants présentaient leur candidature pour la première fois, et 31 avaient déjà été candidats. Six candidats sont en poste à l’étranger, contre 36 en France. Huit femmes seulement se sont mises sur les rangs, en léger progrès par rapport aux ­années précédentes.

Défis d’aujourd’hui

Les travaux des candidats donnent un aperçu des thématiques de recherche dominantes au sein de cette génération de jeunes économistes. Parmi les lauréats et nominés, citons : l’architecture des systèmes de retraite ou la question des rapports entre les prélèvements fiscaux ou sociaux et l’offre de travail et les niveaux de salaires (Antoine Bozio) ; l’analyse des préférences morales et leurs interrelations avec les stratégies coopératives des décideurs, notamment du point de vue de leurs effets sur l’efficacité des interventions publiques (Nicolas Baumard) ; en matière de commerce international, le rôle de l’hétérogénéité des firmes et des barrières dans l’accès aux réseaux d’information, ou la question des rapports entre les flux migratoires et les investissements directs à l’étranger (Isabelle Méjean) ; au croisement du commerce international et de la macroéconomie internationale, les effets de la granularité, c’est-à-dire de la distribution statistique de la taille des firmes, sur l’ampleur des fluctuations macroéconomiques en France et leur corrélation avec les cycles internationaux (Thomas Chaney).

Dans les programmes de recherche des autres candidats, on retrouve des thématiques traditionnelles telles que les imperfections de la finance, les rapports entre fiscalité et offre de travail, les relations entre démographie, immigration et croissance, le rôle des rigidités sur le marché du travail…

on note l’essor des démarches se situant aux frontières de la discipline, proches notamment de la psychologie expérimentale

Mais on découvre également, davantage que les années précédentes, des préoccupations très proches des défis d’aujourd’hui : le poids des discriminations par genre, appartenance sociale ou religieuse dans l’accès à l’emploi ; l’efficacité souvent contestable des politiques de retour à l’emploi ; la question des inégalités d’accès à l’éducation et les effets pervers des dispositifs de type carte scolaire ; l’hétérogénéité spatiale et les fortes disparités géographiques en matière de chômage et de localisation des migrants…

Réflexions théoriques et modélisation

Sous l’angle méthodologique, les réflexions théoriques et la modélisation sont complétées, plus souvent que dans le passé, par des travaux appliqués de type expériences contrôlées, et on note l’essor des démarches se situant aux frontières de la discipline, proches notamment de la psychologie expérimentale.

Palmarès du Prix du meilleur jeune économiste

Les distinctions de 2017

Prix du meilleur jeune économiste : Antoine Bozio

Nominés : Thomas Chaney, Nicolas Baumard et Isabelle Méjean.
 

Les lauréats des précédentes éditions

Bruno Amable et Agnès Bénassy-Quéré (2000) ; Pierre Cahuc (2001) ; Philippe Martin et Thomas Piketty (2002) ; Pierre-Cyrille Hautcœur (2003) ; David Martimort (2004) ; Esther Duflo et Elyès Jouini (2005) ; Thierry Mayer et Etienne Wasmer (2006) ; David Thesmar (2007) ; Pierre-Olivier Gourinchas (2008) ; Yann Algan et Thomas Philippon (2009) ; Emmanuel Saez (2010) ; Xavier Gabaix (2011) ; Hippolyte d’Albis (2012) ; Emmanuel Farhi (2013) ; Augustin Landier (2014) ; Pascaline Dupas (2015) ; Camille Landais (2016).

Mais les jeunes économistes français participent trop peu aux débats publics, alors même que leurs travaux apportent souvent des démentis très nets aux idées fausses ou aux dénis de la réalité économique qui ont proliféré au moment de l’élection présidentielle. Le Cercle des économistes a beaucoup œuvré pour réduire le clivage entre la connaissance économique et les hommes po­litiques, mais il y a encore du chemin à faire, notamment, à l’occasion des Rencontres éco­nomiques d’Aix-en-Provence, qui auront lieu du 7 au 9 juillet, et dont la thématique « A la recherche de nouvelles formes de prospérité » recouvre la question bien actuelle de savoir comment on peut relancer durablement la croissance et échapper au risque de stagnation séculaire.