Quinzaine des réalisateurs

Lors de l’annonce de la sélection cannoise, il y a très souvent un monsieur ou une dame qui demande avec une emphase un peu douloureuse au sélectionneur : « Mais pourquoi cette absence des films italiens en compétition ? » De fait, absents cette année de la compétition, nos cousins transalpins, que nous aimons d’un amour latin, ont trouvé refuge dans les sections parallèles. Et ne s’en portent pas plus mal.

L’Intrusa, de Leonardo Di Costanzo, est le deuxième, après l’excellent A Ciambra, de Jonas Carpignano, que l’on rencontre à la Quinzaine des réalisateurs, et il n’en est pas moins recommandable. Le sud de la Péninsule (Naples après la Calabre), la question sociale y afférent, et une approche très documentée témoignent des affinités entre les deux films.

L’action se situe ici au sein d’une structure d’aide aux enfants démunis, une sorte de sanctuaire à fort idéal social et animé par des bénévoles qui tentent de soustraire certaines zones de la ville à la double et désastreuse emprise du néolibéralisme et de la Mafia qui la mettent sous coupe réglée. Dirigée par Giovanna (interprétée par la danseuse et chorégraphe Raffaella Giordano), l’institution va du jour au lendemain se retrouver confrontée à une question qui remet en cause son éthique solidaire et sa profession de foi politique. L’épouse d’un criminel de la Camorra et sa fillette viennent d’y trouver refuge, quand une descente de police révèle que son mari se cachait avec elle, l’homme étant jeté en prison.

Limites de l’utopie

Confrontée à l’inquiétude de la police de la ville, du conseil d’administration du centre de loisirs et des parents des autres enfants, Giovanna doit lutter pied à pied pour les convaincre de garder la femme et sa fillette, en dépit de la tromperie que celle-ci a fomentée et de l’entorse grave faite aux valeurs du centre que leur présence constitue. La négociation s’avère d’autant plus délicate que certaines familles ont été victimes de la violence de l’homme emprisonné et que sa femme reste confinée dans un retrait agressif. La fillette, pourtant, s’acclimate.

C’est à un cas d’école sur les limites de l’utopie, à un vrai dilemme moral incarné que nous confronte ce film sensible et intelligent. Cette belle gravité, cette ouverture à la complexité des choses, cette manière de prendre à cœur des questions qui concernent urgemment nos sociétés agissent, dans un contexte cannois furieusement perché, comme l’élixir du retour à la réalité.

L'Intrusa – New clip (1/1) official from Cannes

Film italien de Leonardo Di Costanzo avec Raffaella Giordano, Valentina Vannino, Martina Abbate (1 h 35). Sortie en salles prochainement. Sur le Web : www.tempestafilm.it/cinema/l-intrusa.php et www.quinzaine-realisateurs.com/qz_film/lintrusa