L’esplanade des Invalides et son sous-sol de 13 000 m2 sont l’un des 34 sites proposés par la Mairie de Paris dans le cadre de son deuxième appel à projets « Réinventer Paris » lancé le 23 mai. | Mairie de Paris

Bien décidée à entretenir la flamme de l’innovation urbaine, la mairie de Paris lance, mardi 23 mai, un nouvel appel à projets « Réinventer Paris ». Portant sur vingt-deux sites — anciennes voiries, immeubles-ponts surplombant le périphérique, hôtels particuliers, ancienne station électrique, anciens bains douches… —, la première édition de ce concours, lancée à la fin de 2014 et achevée en février 2016, avait suscité un vif engouement.

Cette fois, architectes et promoteurs immobiliers sont invités à travailler à des « projets urbains innovants », sur des parcelles plus insolites encore. Cette deuxième édition propose trente-quatre sites, dont vingt-six sont souterrains. « Nous invitons à explorer une des facettes encore largement sous-estimée de la ville. Les sous-sols ont longtemps été des endroits que l’on cachait, ayant une fonction strictement de service. Mais cette vision est en train de changer », assure Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme.

Le sous-sol parisien a été investi dès l’ère haussmannienne par les réseaux d’eau, d’assainissement, et plus tard d’électricité, de téléphonie, de fibre… Les transports s’y sont aussi largement développés avec le métro et les voiries et parkings souterrains dédiés à la voiture. Mais aujourd’hui l’évolution de la mobilité vers de nouveaux modes de transport, collectifs et doux, et moins de voitures, libère des espaces jusqu’alors dévolus à la circulation routière.

Une station de métro désaffectée

Parmi les quarante sites soumis à l’imagination des architectes et promoteurs figurent ainsi les deux tunnels (Henri-IV et Tuileries), des voies sur berges interdites à la circulation depuis l’été 2016, ou encore le souterrain de l’Etoile, long de 400 m mais haut d’à peine 2,40 m, fermé depuis le printemps 2015.

Lancé en partenariat avec Indigo, la RATP et la SNCF, ce nouvel appel à projets propose aussi d’anciens parkings aujourd’hui inutilisés, d’anciennes gares ou encore des stations de métro désaffectées. C’est le cas d’un quai de la station Saint-Martin, entre Strasbourg-Saint-Denis et République, sur les lignes 8 et 9 du métro. Inaugurée en 1932, elle fut une première fois fermée au public en 1939, puis rouverte à la Libération avant d’être définitivement refermée pour servir de local technique et héberger depuis 2001 un centre d’accueil de jour de l’Armée du Salut.

L’appel à projets porte aussi sur des sites mixtes, comme l’esplanade des Invalides. Surplombée par l’aérogare, cette esplanade dissimule en sous-sol plus de 13 000 m2 de surfaces soutenus par des colonnes cannelées, vestiges de l’ancienne gare. Ce dessous oublié mériterait pour la mairie de Paris de retrouver une « synergie d’usages ouvrant le site sur son environnement ».

« Une vraie réflexion sur les sous-sols est d’autant plus nécessaire qu’à Paris ils ne sont pas reliés entre eux et n’ont que peu d’accès à la surface », souligne Jean-Louis Missika, qui rappelle que le plan local d’urbanisme (PLU) de Paris a été modifié en juillet 2016 pour pouvoir creuser le sol afin d’amener la lumière en souterrain.

Synergie entre surface et sous-sol

Aujourd’hui soucieux de développer le potentiel de son sous-sol, Paris envie Montréal. La métropole québécoise est en effet l’exemple type de la ville qui a investi ses sous-sols avec succès. Son centre-ville est aussi étendu sous terre qu’en surface.

« Montréal offre une bonne perméabilité entre le dessous et le dessus, souligne Michael Doyle, chercheur américain au Laboratoire d’économie urbaine et de l’environnement (Leure) à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Accueillant une grande diversité d’activités (commerces, théâtre, bureaux…), les espaces souterrains n’ont pas été conçus comme une ville à part. On peut aisément passer de la surface au sous-sol. Et comme en surface, on peut circuler en sous-sol du nord au sud, d’est en ouest, il n’y a pas de culs-de-sac », constate ce chercheur qui a étudié la « connectivité » entre les deux espaces. Mieux, l’activité de l’un favorise celle de l’autre.

D’autres grandes métropoles, comme Singapour, Hongkong ou Helsinki, ont également mis en valeur leur sous-sol. Selon Michaël Doyle, c’est là une solution pour assurer un développement durable de la ville, qui évite de densifier en surface en rognant sur les terres environnantes (dont celles de nature agricole) ou en construisant en hauteur. « Cela permet de préserver l’aspect extérieur de la ville, son architecture patrimoniale », insiste-t-il.

« Introduire la lumière, l’air, la vie »

Selon lui, il y a un vrai défi architectural à assurer une continuité entre la surface et le sous-sol, non seulement en matière d’accès mais aussi d’ambiance. Autrement dit, pour que les sous-sols ne restent pas des lieux sombres.

S’attachant à relever ce défi depuis plusieurs années déjà en France comme à l’étranger, Dominique Perrault, notamment connu comme l’architecte de la Bibliothèque François-Mitterrand, préfère lui parler de « groundscape », plutôt que de souterrain, de sous-sol.

Grande Bibliothèque François Mitterrand à Paris, conçue par l’architecte Dominique Perrault | © Georges Fessy / Dominique Perrault Architecture / Adagp

« Le groundscape, c’est le paysage du sol, comme le landscape son opposé en quelque sorte. Il faut dédramatiser la relation que l’on a avec les sous-sols, explique-t-il. Les souterrains sont associés au domaine de l’obscur, de l’inconfort, des lieux qui suscitent l’inquiétude, la claustrophobie. Or il est possible d’y introduire de la lumière, de l’air, de la vie. »

Et l’architecte d’illustrer : « Qui imagine qu’il existe 200 000 m2 incrustés dans le sol à la Bibliothèque nationale ? On n’a pourtant pas l’impression d’être en sous-sol. » Encadré de quatre grandes tours, le centre du bâtiment est occupé par un jardin de 12 000 m2 (fermé au public) qui apporte la lumière et dont on ne voit émerger que la frondaison des arbres.

« En travaillant le dessous du sol, insiste Dominique Perrault, l’idée n’est pas de construire une ville souterraine, une ville sous la ville, qui vivrait de façon autonome. Il ne s’agit pas d’habiter sous le sol mais de prolonger les bâtiments de surface et leur activité. »

Smart Cities : « Le Monde » décrypte les mutations urbaines

A l’occasion de la remise des Prix internationaux de l’innovation Le Monde - Smart Cities, une journée de réflexion et d’échanges réunira, le vendredi 2 juin à Singapour, ingénieurs, acteurs publics, sociologues, chercheurs, autour des transformations urbaines et des nouvelles formes de gouvernance de la ville.

Le 7 avril à Lyon, Le Monde a déjà récompensé avec ses partenaires les lauréats de la deuxième édition des Prix européens de l’innovation Le Monde - Smart Cities pour leurs projets innovants améliorant la vie urbaine. A cette occasion, s’est tenue une journée de débats sur le thème « Gouverner la ville autrement : les villes peuvent-elles réenchanter la démocratie ? ».

Retrouvez l’actualité des villes décryptée par les journalistes du Monde dans la rubrique « Smart cities » sur Lemonde.fr.