Dimanche 21 mai, les étudiants de la prestigieuse université américaine Notre-Dame de South Bend (Indiana) quittent la cérémonie de remise des diplômes, en signe de protstation, pendant le discours du vice-président Mike Pence. (Robert Franklin/South Bend Tribune via AP) | Robert Franklin / AP

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Décidément, les membres de l’administration Trump ne sont pas les bienvenus dans les universités américaines – fût-ce à l’occasion des sacro-saintes cérémonies de remise des diplômes. Si le président lui-même, le 13 mai, a pu prononcer sans incident notable son discours à l’université Liberty, en Virginie – il a encouragé les étudiants à « être des outsiders » –, ce n’est pas le cas de Betsy DeVos, la secrétaire à l’éducation, ni du vice-président Mike Pence. La première a été accueillie par des huées à l’université Bethune-Cookman, en Floride, le 10 mai ; le second a provoqué, dimanche 21 mai, l’ire des étudiants de l’université Notre-Dame, la plus prestigieuse université catholique du pays, située à South Bend, dans l’Indiana.

« Plusieurs dizaines d’étudiants ont quitté la cérémonie en signe de protestation contre l’orateur, qui était en train de prononcer un discours mêlant des platitudes sur les rêves d’avenir à une longue diatribe contre le politiquement correct qui règne sur les campus », rapporte le New York Times.

« Rendez-vous utiles ! »

Les discours prononcés à l’occasion des remises de diplômes peuvent être bourrés de clichés, drôles, spirituels, inspirés, tristes ou même parfois marqués par la colère, mais ils ne doivent jamais au grand jamais être cyniques, relève le grand quotidien new-yorkais, qui en propose ces jours-ci une sélection. Quelle que soit leur tonalité, ils doivent faire figure de « guides pour la vie ». Cette année pourtant beaucoup de ces discours prononcés par des personnalités venues de tous horizons n’hésitent pas à faire référence à l’actualité politique pour s’en prendre ouvertement aux mesures décidées par la nouvelle administration, note le Washington Post.

A l’université de Californie, à Berkeley, l’acteur américano-iranien Maz Jobrani a choisi l’humour pour épingler les mesures anti-immigration du gouvernement : « Ecoutez-moi vous autres. Même si vous avez voté pour Trump, sachez que nous vous aimons encore. Vraiment. Je connais même des immigrants qui ont voté pour Trump. Oui, j’ai des amis immigrants qui ont voté pour Trump ! Ils voulaient moins de taxes. Les voilà avec moins de parents ! Patience : tout arrive. »

A l’université Howard, à Washington, la sénatrice démocrate et ex-procureure de Californie, Kamala D. Harris, a été plus solennelle pour critiquer les décisions de l’actuelle administration en matière d’immigration, de protection sociale et d’application des peines : « Alors que des hommes, des femmes et des enfants ont été détenus dans les aéroports de notre pays simplement à cause de leur Dieu… dites la vérité et rendez-vous utiles. Au moment où des immigrants ont été enlevés à leurs familles devant des écoles et à l’extérieur des tribunaux… dites la vérité et rendez-vous utiles. »

« Battez-vous pour vos convictions ! »

Invitée par l’université du Massachusetts, à Amherst, Elizabeth Warren, également sénatrice, a quant à elle profité de son discours pour lancer un pressant appel à l’action civique : « Les décisions prises par votre gouvernement sont importantes et de grande portée. Il n’est plus possible de penser que la démocratie va continuer à fonctionner si la plupart des Américains attendent le moment des élections pour en savoir plus sur les candidats et persistent, le reste du temps, à ignorer ce qui se passe. Notre pays, notre démocratie n’est pas une machine qui peut fonctionner seule. Il faut que vous soyez présents et il faut vous battre pour vos convictions. Et voici pourquoi : si les élus n’écoutent pas des gens comme vous, les politiques seront définies par les personnes qu’ils écoutent – et croyez-moi, ils entendent beaucoup de PDG, de financiers de Wall Street, de dirigeants de grands groupes et des gens qui dépensent beaucoup d’argent pour s’assurer que leurs intérêts sont pris en compte. »

Tim Kaine, ex-colistier à la vice-présidence de la candidate Hillary Clinton, a, lui, choisi d’encourager les diplômés de la Virginia Commonwealth University, à Richmond, à garder l’esprit ouvert et à écouter leurs semblables : « Les gens s’attendent à ce que vous ne les écoutiez pas vraiment. Ils ont eu cette expérience dans le passé et ils pensent qu’ils vont l’avoir à nouveau. Quand vous le faites, même si vous ne pouvez pas résoudre immédiatement leur problème, ils sont vraiment surpris et reconnaissants. Bien sûr, c’est une leçon de politique, mais pas seulement. Les gens n’ont pas l’impression que Washington, le Capitole ou leur mairie comprennent réellement ce qu’ils vivent. Ceux d’entre nous qui travaillent dans la politique doivent reconnaître cet état de fait et rechercher des moyens de mieux communiquer avec les gens. »

Vive la « résilience collective » !

Avec un peu plus de recul, Sheryl Sandberg, actuelle directrice des opérations (COO) de Facebook, a préféré axer son discours, à l’institut polytechnique et université d’Etat de Virginie (VirginiaTech), sur ce qu’elle a appelé la « résilience collective » : « La chose la plus importante que j’ai apprise, c’est que nous ne naissons pas avec un certain degré de résilience. La résilience est un muscle, ce qui veut dire que nous pouvons la renforcer. Nous construisons de la résilience en nous-mêmes. Nous créons de la résilience dans les personnes que nous aimons. Et nous la construisons ensemble, en tant que communauté. La “résilience collective” est une force incroyablement puissante – et c’est de ce type de résilience que notre pays et le monde ont plus que jamais besoin. »

Si les discours prononcés à l’occasion des remises de diplômes sont « des cartes routières qui mènent vers l’avenir », comme le proclame le New York Times, cette année les routes en question sont bel et bien jalonnées de panneaux de danger.

Jean-Luc Majouret (Courrier international)

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