Le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué son premier attentat suicide en Somalie, une attaque qui, selon la police, a fait cinq morts dans la ville côtière de Bossasso, mardi 23 mai. Cité portuaire du golfe d’Aden, Bossasso est la plus grande ville de la région semi-autonome du Puntland, dans le nord du pays, où est implanté un groupe d’anciens terroristes chabab ayant quitté Al-Qaida au profit de l’EI.

Selon SITE Intelligence Group, une entreprise américaine spécialisée dans la surveillance des sites Internet islamistes, l’EI a revendiqué mardi soir, par le biais de son agence de propagande Amaq, cette « opération martyre avec usage d’une veste d’explosifs ». L’auteur de l’attentat a actionné sa veste alors qu’il se trouvait à un point de contrôle de Bossasso.

« Les forces de sécurité ont arrêté le suspect lorsqu’il a approché, mais il s’est fait exploser, tuant cinq personnes. Un des membres des forces de sécurité et quatre civils ont été tués dans l’explosion », a déclaré à l’AFP Mohamed Dahir Adan, un policier local. Selon plusieurs témoins, l’explosion a eu lieu près d’un hôtel régulièrement utilisé par des responsables locaux comme lieu de réunion. « Je pense que l’auteur de l’attaque visait l’hôtel, mais il a été arrêté au check-point et a décidé de se faire sauter », a déclaré à l’AFP Awke Mohamed, un témoin.

Rivalités claniques

Le Puntland a souvent été le théâtre d’attaques menées par les islamistes chabab affiliés à Al-Qaida. Mais c’est également dans cette région qu’est basé un groupe de combattants qui ont quitté les Chabab au profit de l’EI. Ce groupe, dont la force de frappe reste pour l’instant très réduite par rapport aux Chabab, est dirigé par le Somalien Abdul Qadir Mumin. Placé en août 2016 sur la liste des terroristes internationaux par le département d’Etat américain, cet ancien membre des Chabab avait rejoint l’EI en octobre 2015.

Le groupe d’Abdul Qadir Mumin s’était dans un premier temps surtout distingué par des vidéos de propagande. Sa première action d’envergure avait été la prise, en octobre 2016, de la ville côtière de Qandala, dont il avait été chassé en décembre 2016 par les forces du Puntland. Puis, début février, l’EI avait revendiqué une attaque armée – pas un attentat-suicide – contre un hôtel de Bossasso : quatre gardes de sécurité et deux assaillants avaient été tués.

Selon les observateurs, le groupe d’Abdul QadirMumin est majoritairement composé de membres du clan Majerteen, auquel appartient son chef, et son existence et son activité s’inscrivent dans un jeu complexe de rivalités claniques propres au Puntland. En novembre 2016, l’International Crisis Group (ICG) estimait à 200 le nombre de membres de ce groupe.

« Il y a clairement une menace de l’EI au Puntland, où le groupe de Mumin intensifie ses activités et attaques », commente Rashid Abdi, spécialiste de la Corne de l’Afrique pour l’ICG. « Mais il ne faut pas non plus exagérer l’influence de l’EI dans cette région. Les Chabab restent une menace bien plus importante que l’EI au Puntland. » M. Abdi appelle par ailleurs à la « prudence avec les revendications de l’EI, car ils ont tendance à tout revendiquer ».

Prêcheur enflammé

Né au Puntland à une date indéterminée, Abdul Qadir Mumin a vécu en Suède avant de s’installer au Royaume-Uni, où il a acquis la nationalité britannique. A Londres et à Leicester, il s’est forgé au début des années 2000 une réputation de prêcheur enflammé et vindicatif. Surveillé par les renseignements britanniques, il aurait alors côtoyé Mohammed Emwazi, un des bourreaux de l’EI plus connu sous le surnom de « Jihadi John », ainsi que Michael Adebolajo, l’un des deux meurtriers du soldat Lee Rigby dans les rues de Londres en mai 2013.

Abdul Qadir Mumin s’est ensuite rendu en Somalie pour rejoindre en 2010 les rangs des Chabab, dont il est rapidement devenu un propagandiste en vue. Il a pris en 2014 la tête de la faction du Puntland, sans expérience du champ de bataille, avant d’annoncer sa défection et son ralliement à l’EI.