Le siège de la National Security Agency (NSA), à Fort Meade, dans le Maryland, en 2013. | PATRICK SEMANSKY / AP

Deux ans après un premier échec juridique, la fondation Wikimedia, qui héberge notamment l’encyclopédie collaborative Wikipedia, va pouvoir poursuivre son action devant les tribunaux contre la National Security Agency (NSA), l’agence de renseignement américaine.

Wikimedia et plusieurs autres organisations avaient initialement porté plainte contre la NSA après les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse d’Internet pratiquée par l’agence. Ces organisations estimaient que la base légale très lâche – et quasi sans contrôle – de cette surveillance violait à la fois la liberté d’expression et le droit à la vie privée, garantis par le premier et le quatrième amendements de la Constitution américaine.

Mais en première instance la plainte avait été rejetée par le tribunal, qui estimait que les différentes organisations n’avaient pas apporté la preuve qu’elles étaient directement touchées par cette surveillance de masse. En appel, Wikimedia et la puissante American Civil Liberties Union (ACLU – « Union américaine pour les libertés civiles »), principale organisation de défense des droits civiques aux Etats-Unis, ont convaincu le tribunal qu’en raison de la taille de l’encyclopédie en ligne, toute surveillance à grande échelle du trafic Internet incluait nécessairement la surveillance d’utilisateurs de Wikipedia.

Cette décision « marque une étape importante dans notre procès contre la NSA, et une victoire pour la défense des droits à la vie privée et à la liberté d’expression pour les utilisateurs de Wikimedia, s’est félicitée l’organisation dans un communiqué. Nous sommes prêts à poursuivre ce combat. » La procédure n’en est toutefois qu’à ses débuts et son issue reste incertaine : d’autres procès intentés à la NSA, dont celui du lanceur d’alerte Thomas Drake, se sont, par le passé, heurtés à de multiples reprises au secret-défense qui entoure l’arsenal de la NSA.

En France, les procédures à l’arrêt

Côté français, où des plaintes avaient également été déposées après les révélations d’Edward Snowden par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), les procédures se sont achevées ce mois-ci. Après une première plainte en juillet 2013, et une seconde avec constitution de partie civile en avril 2015, les deux associations s’étaient vu demander le versement d’importantes consignations (13 000 euros). Des sommes dépassant les moyens des deux associations, et jugées disproportionnées par ces dernières, qui dans un dossier similaire, celui de l’affaire Amesys, avaient dû s’acquitter chacune de 500 euros seulement.

La FIDH et la LDH avaient contesté le montant de cette « barrière à l’entrée », selon l’expression de Clémence Bectarte, avocate de la FIDH. Mais les associations n’avaient obtenu qu’une minoration symbolique du montant, et ont donc dû abandonner la procédure faute de moyens. « La France a opposé un silence assourdissant aux nombreuses enquêtes journalistiques sur la surveillance électronique, note Mme Bectarte. Il n’y a rien eu, ni au niveau juridique ni au niveau parlementaire, à part une loi renseignement qui légalisait, comme l’a reconnu François Hollande lui-même, des pratiques qui étaient en dehors du droit. »

Une autre plainte des deux associations, visant spécifiquement les pratiques de surveillance électronique de la DGSE française, avait été classée sans suite en mai 2015, après six mois d’instruction. Un classement confirmé par le procureur général, à la fin de 2015, après un recours de la FIDH et de la LDH.