La reine Mathilde de Belgique, Donal Trump, le roi Philippe de Belgique et Melania Trump, le 24 mai 2017. | THIERRY CHARLIER / AFP

Donald Trump devait passer près de 24 heures à Bruxelles, du mercredi 24 au jeudi 25 mai, sa première visite officielle dans la capitale des institutions européennes, pour un programme très chargé. Mini-sommet de l’OTAN, rencontre avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et celui du Conseil européen, Donald Tusk, déjeuner de travail avec le président français, Emmanuel Macron…

Si les relations se sont quelque peu normalisées avec le 45e président des Etats-Unis, les Européens n’ont pas oublié que M. Trump s’était à plusieurs reprises réjoui du « Brexit » en début de mandat ou avait qualifié Bruxelles de « trou à rats »… Ils continuent à se méfier d’un président jugé imprévisible et impulsif. Et les sujets de désaccord ou d’incompréhension mutuelle restent par ailleurs nombreux.

Défense. La question des dépenses que les Européens consacrent à leur défense est un des principaux sujets de divergence avec Washington. Il ne sera toutefois que survolé lors du « mini-sommet » de l’OTAN, jeudi. Après les remontrances de M. Trump, qui invitait ses alliés à « payer la facture » en échange de la garantie du maintien de la protection américaine, le dossier a fait l’objet de plusieurs réunions. Elles ont (temporairement ?) calmé les esprits et, en juin, les alliés européens au sein de l’Alliance s’engageront sans doute à rédiger des plans nationaux en vue, si possible, d’arriver à 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) consacré à la défense à l’horizon 2024.

Pour l’instant, Washington fait mine de se satisfaire de cette promesse, sachant que la question est pendante depuis de nombreuses années et notant qu’en un an, les dépenses des Européens se sont accrues de plus de 3,6 %. Une performance inédite. Les Européens attendent, eux, une déclaration du président américain sur l’article 5 du traité de l’OTAN (assistance mutuelle en cas d’attaque armée), et une confirmation que les Etats-Unis continueront bel et bien à se soucier de la sécurité de leurs alliés, contrairement à ce que le candidat républicain avait laissé entendre durant sa campagne.

Federica Mogherini, la haute représentante aux affaires étrangères de l’UE, a résumé les attentes à ce sujet, mercredi : « J’espère un message de continuité par rapport à ce que nous avait dit Mike Pence [le vice-président américain] lors de sa visite à Bruxelles [mi-février]. »

Diplomatie. Le récent revirement du président Trump sur l’islam et la question saoudienne, avec sa conséquence directe, la mise au ban de l’Iran, est un autre motif d’agacement à Bruxelles. Le moment est jugé particulièrement malvenu puisque le réformateur Rohani a été réélu et manifeste des volontés d’ouverture et d’apaisement. La diplomatie européenne s’est fortement impliquée dans l’accord sur le nucléaire iranien – c’est sans doute, d’ailleurs, l’un de ses rares faits d’armes – et ne veut pas voir remise en cause la relation avec Téhéran et l’équilibre, fragile, de cet accord.

Preuve quand même que les Européens veulent afficher leur bonne volonté en présence de M. Trump : les 28 pays membres de l’OTAN devaient annoncer qu’ils rejoignent formellement la coalition internationale contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie. Même si la France, selon nos informations, maintient cependant quelques réserves, craignant que l’arrivée de l’OTAN ne fragilise la cohésion de la coalition. Les Etats-Unis, qui dirigent cette coalition, réclamaient depuis plus d’un an que l’OTAN en devienne membre à part entière.

Climat. C’est un des principaux messages que devaient vouloir faire passer les Européens à M. Trump depuis Bruxelles : les Etats-Unis ne doivent pas renoncer à appliquer les accords de Paris sur le climat. Le président Macron devait aborder le sujet lors de son déjeuner avec le président américain. Les présidents Tusk et Juncker étaient censés faire de même. Mercredi, le secrétaire d’Etat américain a cependant prévenu que M. Trump « n’a pas encore pris de décision définitive sur la participation des Etats-Unis à l’accord de Paris sur le climat, il étudiera le dossier à son retour à Washington ».

Commerce, libre-échange. Les Européens sont moins inquiets qu’en début d’année, quand le président Trump avait dénoncé l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), avec une dizaine de pays d’Asie et d’Amérique latine, longuement négocié par son prédécesseur Obama. Ils craignaient le retour à un protectionnisme dont l’UE, partenaire commercial conséquent des Etats-Unis, aurait forcément souffert. Ils estimaient que le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP, ou Tafta), l’accord de libre-échange qu’ils négociaient laborieusement depuis 2013 avec l’administration Obama, était définitivement « mort ». Ils s’inquiétaient enfin du mépris affiché de M. Trump pour les relations « multilatérales », pourtant aux fondements des relations commerciales au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Mais M. Trump n’a pas encore mis à exécution ses menaces d’élever fortement les droits de douane à l’importation des produits venant du Canada ou du Mexique. Et si les Etats-Unis continuent à mettre en doute l’intérêt des relations commerciales multilatérales, certains à Bruxelles se mettent à rêver d’une réactivation des discussions autour du TTIP. « Jean-Claude Juncker avait dit qu’il faudrait deux ans à Trump pour comprendre le fonctionnement de l’Union européenne. Cela ne fait que six mois qu’il est en poste », glissait un diplomate européen mercredi, quelques heures avant l’arrivée du président américain…

Même si personne à Bruxelles ne s’attend à des annonces fracassantes ou, a contrario, à des déclarations « apocalyptiques » de M. Trump, on se félicite que le président américain ait « pris le temps de venir ». « C’est cela le plus important », estime un diplomate.