Le nouveau QG de l’OTAN à Bruxelles. | HANDOUT / REUTERS

Pour la « réunion spéciale » à laquelle il assistera à l’OTAN – la dénomination habituelle de « sommet » a été délaissée –, Donald Trump se verra au moins octroyer un privilège, jeudi 25 mai. Celui d’inaugurer, avec ses homologues, le nouveau bâtiment de l’Alliance atlantique. L’enceinte est située juste en face de l’ancien siège, construit à la hâte par la Belgique dans la banlieue de Bruxelles après la décision prise par le général de Gaulle en mars 1966 : il annonçait alors aux Américains que la France quitterait les commandements intégrés de l’OTAN et arrêterait, du même coup, de mettre ses forces à la disposition de l’Alliance. La France allait cesser d’abriter 29 de ses bases, le quartier général des forces américaines en Europe – le Shape –, dans les Yvelines, ainsi que le QG de l’organisation, à la porte Dauphine, où allait ensuite s’installer l’université Paris-Dauphine.

Evoquant une sortie « pas à pas » de la France, le général ne remettait toutefois pas en cause le traité de l’Atlantique nord, signé en 1949 par Paris et onze autres capitales. C’est ce qui allait permettre à Nicolas Sarkozy d’annoncer, en 2009, que la France reviendrait dans les commandements intégrés. Avant cela, ses prédécesseurs avaient en fait amorcé le mouvement en déléguant notamment des officiers au commandement des opérations (au Shape, à Mons-Casteau, en Belgique) et de la transformation (à Norfolk, aux Etats-Unis).

A l’étroit dans des locaux vétustes et exigus, l’Alliance – qui compte désormais 28 membres, va intégrer le Monténégro et négocie l’accession de la Géorgie, de la Macédoine et de la Bosnie-Herzégovine – décidait en 1999 de construire un nouveau siège, sur un terrain cédé par la défense belge, le long de la route menant à l’aéroport de Zaventem.

Un édifice de 250 000 m² avec piscine, salle de gymnastique, magasins, banques et salon de coiffure

Les quelque 4 500 fonctionnaires, délégués nationaux et membres des agences otaniennes ne s’y installeront qu’en décembre, mais la présence du président Trump à l’inauguration marquera symboliquement la prépondérance américaine dans l’organisation et fera peut-être oublier certains de ses propos de campagne sur son caractère « obsolète ».

La première pierre de l’énorme édifice – 250 000 m² au total, piscine, salle de gymnastique, magasins, banques ou salon de coiffure compris – n’a été posée qu’en 2010 et la construction aurait dû être terminée cinq ans plus tard. Cela n’a pas été le seul sujet de polémique, puisqu’il a fallu ajouter quelque 150 millions d’euros au montant initial avancé par le consortium néerlando-belge qui avait remporté l’appel d’offres en demandant 460 millions pour la réalisation du chantier. Au total, la réalisation devrait coûter 1,1 milliard d’euros, selon le colonel belge Lieven Vanheste, qui a piloté l’opération. Son pays s’acquitte de 4 % du total.

Assurer la sécurité

Le bâtiment, dont les clés seront officiellement remises à l’OTAN jeudi, comporte huit ailes censées figurer des doigts entremêlés et symboliser la solidarité entre les membres. Un projet architectural audacieux qui aurait surgi de l’esprit d’un jeune stagiaire. Il n’imaginait sans doute pas ce que signifiait concrètement son ébauche : 2 500 pieux pour les fondations, 70 000 m² de vitrages, une façade résistant aux explosions, 1 000 caméras de surveillance…

La sécurisation du bâtiment a d’ailleurs été « le » souci des responsables, qui y ont affecté en permanence plus de 100 personnes, avec des contrôles systématiques des ouvriers, des fournisseurs et de toute la chaîne d’approvisionnement. Il s’agissait notamment d’éviter toute photo du site, mais surtout le placement d’appareils d’écoute. « A ma connaissance on n’en a pas trouvé. Cependant, la sécurité du chantier n’était pas une compétence belge, mais une responsabilité de l’OTAN », a très diplomatiquement expliqué le colonel Vanheste au magazine Knack.

Les « grands » pays membres semblent, en tout cas, avoir voulu redoubler de prudence. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France ont renoncé à faire aménager leurs locaux par le consortium qui a édifié le nouveau QG, préférant faire appel à leurs propres entrepreneurs ou designers. « Question de sécurité… et de confort », ironise un diplomate. « America first » oblige, seuls des ouvriers américains ont pu œuvrer pour les bureaux de la délégation des Etats-Unis.