Donald Trump,  avec la premipremière ministre britannique Theresa May et le président turc Recep Tayyip Erdogan, au sommet de l’OTAN, à Bruxelles le 25 mai. | Thierry Charlier / AP

Editorial du « Monde ». En visite officielle en Arabie saoudite, première étape de son périple, au début de la semaine, le président Donald Trump s’était déclaré soucieux de ne pas « faire la leçon » aux dirigeants du monde arabo-musulman. Le président américain ne s’est pas embarrassé de telles prévenances à l’égard de ses alliés européens, jeudi 25 mai, à Bruxelles. Devant 27 chefs d’Etat et de gouvernement de pays membres de l’OTAN qui l’écoutaient, debout, M. Trump, choisissant de mettre l’accent sur ce qui divise plutôt que sur ce qui rassemble, s’est livré à un réquisitoire déplacé, maladroit et contre-productif sur les niveaux de dépenses de défense.

Déplacé, parce que, au lendemain de l’attentat à Manchester, l’ambiance était solennelle et parce que les Européens venaient de faire une concession aux Etats-Unis en acceptant que l’OTAN s’implique davantage, en tant que telle, dans la lutte antiterroriste. Après avoir fait observer une minute de silence pour les victimes de Manchester, Donald Trump est immédiatement passé aux affaires de financement, auxquelles il a consacré l’essentiel de son discours, sur un ton comminatoire.

Maladroit, parce que les Européens, soumis déjà par M. Obama à ces reproches – justifiés – sur la faiblesse de leur contribution au partage du fardeau de l’Alliance atlantique, ont entrepris un réel effort pour augmenter ces dépenses. Ceux qui sont encore loin de consacrer 2 % de leur PIB au budget de défense se sont engagés à le faire d’ici à 2024. M. Trump est en droit de leur demander d’accélérer ce calendrier ; il eût été plus efficace de sa part de le faire, plutôt que de les sermonner comme des enfants.

Une unité cruciale

Contre-productif, enfin, parce que cette brutalité, verbale et physique, manifestée notamment par la manière dont le président américain a écarté de son chemin le premier ministre du Monténégro, n’est pas de nature à améliorer le climat entre Américains et Européens, dans un contexte où leur unité est pourtant cruciale.

Si M. Trump a longuement rappelé leurs devoirs aux Européens, il a par ailleurs ostensiblement omis de confirmer l’engagement des Etats-Unis à appliquer l’article 5 de la charte atlantique, pierre angulaire de l’Alliance, qui fonde l’obligation d’intervenir pour défendre tout allié attaqué. La seule fois où cet article a été appliqué, faut-il le rappeler à M. Trump, il l’a été par les Européens, qui se sont battus aux côtés des Américains en Afghanistan après les attaques du 11-Septembre.

Elu sur le slogan « America First », Donald Trump applique cette philosophie à sa diplomatie, y compris à l’égard de ceux qui sont supposés être ses amis. Ce ne doit pas être une surprise. Si une leçon positive peut être tirée de cette première tournée à l’étranger du président américain, sur fond de divergences transatlantiques persistantes et de chaos politique à Washington, c’est celle-ci : non seulement les Européens doivent prendre davantage en charge leur sécurité, mais ils doivent le faire ensemble, en construisant une défense européenne. Alliés, certes, mais autonomes.