Benjamin Biolay à New York  en 2015. | TIMOTHY A. CLARY/AFP

Un coup de foudre pour Buenos Aires avait revitalisé l’inspiration de Benjamin Biolay au point de le voir retrouver avec Palermo Hollywood (2016), un panache (et un succès) inégalé depuis La Superbe (2009). Au point de le voir aussi produire plus de morceaux que ne pouvait alors en contenir ce disque, récompensé d’une Victoire de la musique (catégorie « Album de chansons »).

Un an plus tard, Volver se présente, en partie, comme le second chapitre de cette virée argentine, largement complétée (l’album comprend quinze titres) de déambulations plus européennes. Mâtinés de contretemps caribéens, les déhanchements latino de ce nouvel épisode – Mala Siempre, Pardonnez-moi, Ça vole pas haut – glissent plus paresseusement que les danses affriolantes de Palermo Hollywood, malgré l’intervention toujours gouailleuse de Sofia Wilhelmi.

Disco italienne

De manière générale, la prolixité de Biolay s’éparpille ici avec une vitalité pas toujours synonyme de régularité. Auteur-compositeur-arrangeur à l’appétit d’ogre, il dévore cette fois de la disco italienne dans un Roma (amoR) dont le gimmick à paillettes ne tient pas toutes ses promesses (surtout en comparaison de l’immortel Week-end à Rome d’Etienne Daho). Même goût d’inachèvement dans une ambiance plus berlinoise pour Le Nuage, au chanter-parler moite, nimbé de touches electro.

En duo avec une ancienne compagne, Chiara Mastroianni, redevenue très complice – on l’a revue en invitée lors de récents concerts et dans le clip de Roma (amoR) –, Encore Encore s’empare avec verve d’un rock s’électrisant entre les Strokes et Blondie. Des références anglo-saxonnes se déployant avec une élégance plus vintage dans le titre de conclusion, Hollywood Palermo, joliment servi par la sensualité éthérée d’Ambrosia Parsley (chanteuse du groupe Shivaree).

On sait depuis longtemps le goût de Benjamin Biolay pour le répertoire hip-hop. Cette référence avait déjà brillamment affleuré dans des chansons comme A l’origine (2005) ou Dans la Merco Benz (2007), au flow marqué par le rap. Apparemment fan de la nonchalance narcotique de PNL, le groupe phénomène des Tarterêts, le chanteur aux graves chiffonnés s’essaie à son tour à l’indolence « autotunée » dans un Hypertranquille, d’une flemmardise très gainsbarrienne.

Bilan mélancolique

Malgré la variété des voyages, la couleur dominante de Volver n’en reste pas moins celle de la chanson française. Dès l’ouverture, la chanson-titre s’inscrit d’ailleurs dans une tradition de bilan mélancolique (« Je me souviens du goût des gens/De la torpeur et de tourments/Y’a pas 5 heures j’avais 15 ans/Mais plus grand-chose de l’enfant »), suggérant que celui qui écrivit pour Henri Salvador, pourrait le faire pour Charles Aznavour (celui de « Je me souviens d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… ») ou, pourquoi pas ?, Eddy Mitchell (Sur la comète).

L’exercice nostalgique peut serrer le cœur (le funéraire Arrivederci, sans doute en hommage à l’ami disparu Hubert Mounier, chanteur de L’Affaire Louis’ Trio), mais aussi virer à la rengaine (La Mémoire) et on se dit que tenter une reprise d’Avec le temps, c’est pousser le bouchon un peu loin. Mais, dans un album parfois encombré d’arrangements, la retenue de l’interprétation du classique de Léo Ferré retrouve la justesse qui avait guidé Biolay lorsqu’il s’était consacré au répertoire de Charles Trenet (Trenet, en 2015).

Album : Volver, de Benjamin Biolay, 1 CD Barclay/Universal.
Concerts : le 15 juin à Ramonville (Haute-Garonne); le 16 à Angoulême (Charente) ; le 19 à Lyon, aux Nuits de Fourvière ; le 24 à Sète ; le 7 juillet à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), festival Beauregard ; le 16 aux Francofolies de La Rochelle ; le 27 à Saint-Tropez (Var) ; le 28 à Puget-sur-Argens (Var), festival Le Mas.