Le premier ministre néerlandais Mark Rutte, le 22 mai à La Haye. | JERRY LAMPEN / AFP

Elles s’annonçaient difficiles, compte tenu du fractionnement du paysage après les élections du 15 mars. Sont-elles impossibles ? Commencées il y a 73 jours, les tractations politiques en vue de la formation d’un gouvernement étaient, en tout cas, au point mort, samedi 27 mai, aux Pays-Bas. Elles ont jusqu’ici entraîné plus de confusion que de solutions et « l’informatrice », chargée de débroussailler le terrain, est revenue à son point de départ.

Edith Schippers, ex-ministre libérale de la santé, rencontrait une nouvelle fois, vendredi, les dirigeants des principaux partis pour trouver une issue. Cette autre étape s’est avérée inutile : Mme Schippers rendra un rapport lundi et un débat doit avoir lieu à la Deuxième chambre de La Haye, le lendemain.

Une tentative en vue de dégager une majorité avait échoué, mercredi 24 mai. Union Chrétienne (CU), un petit parti protestant, n’est pas parvenu à trouver un terrain d’entente avec les libéraux réformateurs de D66, l’une des formations qui a remporté les élections du 15 mars et espère gouverner au centre droit avec le Parti populaire libéral et démocrate (VVD) du premier ministre Mark Rutte, ainsi que les chrétiens-démocrates (CDA).

Des possibilités réduites pour les trois partis

Ensemble, ces trois partis n’atteignent toutefois pas le nombre requis de députés à la Deuxième Chambre (76) et doivent trouver un allié. Ils ont d’abord essayé, en vain, une négociation avec les écologistes de Gauche verte. Ils espéraient, ensuite, convaincre Union Chrétienne. Echaudé par son expérience de 2005, quand il s’était associé à deux partis conservateurs, Alexander Pechthold, le dirigeant de D66, multiplie les exigences et se montre intransigeant sur plusieurs points de son programme, comme la légalisation de la culture du cannabis ou l’extension des lois sur l’euthanasie et le don d’organes.

L’échec des deux tentatives menées jusqu’ici réduit le champ des possibilités. Quelques solutions demeurent toutefois pour les trois partis qui envisagent de gouverner ensemble – si toutefois ils restent unis jusqu’au bout :

  • Ils pourraient tenter une nouvelle négociation avec les écologistes, ce qui reste la formule préférée de D66. Les Verts se montrent cependant très sceptiques, sauf si les autres partis acceptaient de parler d’une politique plus souple en matière d’immigration.
  • Ils pourraient conclure une alliance avec les sociaux-démocrates, comme le suggère M. Rutte. Mais, passés de 38 à 9 sièges de députés, ses anciens partenaires gouvernementaux veulent apparemment se ressourcer dans l’opposition.
  • Ils pourraient former un gouvernement minoritaire, négociant au coup par coup avec des partis d’opposition. Cela s’est vu dans l’histoire récente du pays mais la formule est complexe, et fragile. Et les récentes négociations ont ajouté à la polarisation du paysage politique.

Un recours à de nouvelles élections ?

Si l’alliance de centre droit s’avérait en définitive impraticable, la présidente de la Deuxième chambre, qui gère désormais l’après élection à la place du roi, devrait cependant envisager d’autres options :

  • La formation d’un cabinet de centre gauche. Cette idée est défendue, et apparemment négociée en coulisses, par Emile Roemer, le chef du Parti socialiste (SP, gauche radicale), qui propose qu’une telle coalition soit conduite par un chrétien-démocrate. Problème : la formule écarte M. Rutte et son parti, grands vainqueurs des législatives.
  • Une formule extraparlementaire : pour appuyer une coalition minoritaire, des élus s’engageraient à titre personnel, sans que leur parti appuie formellement le gouvernement. Cette solution a, en dernier recours, déjà été usitée dans les années 1970 pour sortir d’un blocage. Des postes ministériels – on songe aux finances pour Jeroen Dijsselbloem – seraient réservés à des sociaux-démocrates sans que leur parti soit lié…
  • Le recours à de nouvelles élections. Jamais, dans l’histoire politique pourtant complexe du royaume, il n’a fallu aller jusqu’à cette extrémité. Même longue (comme en 2010, quand sept « informateurs » se sont succédé), une négociation n’a jamais totalement capoté. Mme Schippers a rejeté cette option et tous les autres partis s’y disent opposés. Parce qu’un nouveau scrutin ne bénéficierait sans doute qu’à des formations marginales ou au Parti pour la liberté, le PVV du populiste Geert Wilders.

Ce dernier, fort de ses 20 sièges, fait des offres de services mais aucun responsable – même le premier ministre Mark Rutte, qui avait entretenu une certaine ambiguïté avant les élections – ne lui répond.