C’est un petit pas européen, mais il va dans la bonne direction. Lundi 29 mai, les ministres de l’économie et de l’industrie réunis à Bruxelles ont adopté une proposition de règlement de la Commission visant à assurer une homologation plus rigoureuse des voitures neuves dans l’Union européenne (UE).

Seule l’Allemagne a émis des réserves, réclamant davantage de « clarté » et une « amélioration » de la proposition de la Commission. Mais, contrairement à des domaines comme la fiscalité, l’unanimité n’était cependant pas requise : la Commission a donc réussi à faire adopter son texte, amendé mais pas dénaturé. Pour qu’il soit définitivement adopté, il faudra cependant qu’il passe la barre des « trilogues », ces négociations terminales qui vont s’ouvrir dans les semaines qui viennent entre la Commission, le Conseil (les Etats) et le Parlement.

Augmentation des pouvoirs de la Commission

Après la révélation du scandale Volkswagen (VW) en septembre 2015, l’institution communautaire avait réagi très vite et proposé, dès janvier 2016, que les feux verts aux mises sur le marché des véhicules soient délivrés de manière bien plus rigoureuse et que l’indépendance, discutable, des agences d’homologation nationales vis-à-vis des constructeurs soit mieux assurée.

Ces contrôles avaient manifestement failli, après le passage aux aveux du premier constructeur mondial, qui a « truqué » 11 millions de véhicules, les dotant de logiciels abaissant artificiellement leurs émissions de gaz polluants (oxydes d’azote) au moment des tests de mise sur le marché. Depuis, la justice enquête sur d’autres constructeurs (Renault, Fiat Chrysler et PSA en France).

La mesure la plus significative du règlement adopté lundi par les Etats concerne l’augmentation des pouvoirs de la Commission. Ses compétences se limitent pour l’instant à définir la manière dont les tests d’homologation doivent être menés. Elle pourra désormais procéder elle-même à des tests sur les voitures en circulation dans les Etats membres pour vérifier que leurs émissions sont conformes aux règles européennes (un plafond à 80 mg de NOx par kilomètre), et elle disposera d’un droit de regard sur la désignation des agences d’homologation.

Pression des opinions publiques

Elle pourra aussi lancer des rappels de voitures non conformes. Les agences nationales devront par ailleurs procéder à des contrôles sur les véhicules déjà en circulation. Surtout, la Commission sera en mesure d’imposer des amendes directement aux constructeurs négligents ou tricheurs, à raison de 30 000 euros par véhicule maximum. Mais uniquement si les pays membres n’ont pas déjà prononcé de sanctions.

Il s’agit d’un moyen de pression supplémentaire sur les Etats. La Commission a lancé, fin 2016, une série de procédures pour infraction contre l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Espagne, mais ces procédures sont longues et aléatoires. « Deux ans après le “dieselgate”, les révélations continuent. Il est grand temps que nous nous dotions d’un système d’homologation crédible » a déclaré Elzbieta Bienkowska, la commissaire polonaise au marché intérieur et à l’industrie, lundi.

La proposition de règlement a fait longtemps débat au sein du Conseil (la réunion des pays membres), nombre de capitales ayant jusqu’à présent, de manière plus ou moins assumée, voulu protéger leur industrie automobile au nom de la préservation de l’emploi. La pression des opinions publiques était-elle trop forte ? C’est l’avis d’Etienne Schneider, ministre de l’économie luxembourgeois : « Les consommateurs n’acceptent plus d’être trompés par des tests d’homologation et par les indications des producteurs automobiles dans les catalogues de vente. »

« Un paquet de demi-mesures »

Bruno Le Maire a également adressé un satisfecit au texte adopté. « Pour la France, il est important que l’UE tire les leçons de VW », a déclaré le ministre de l’économie français, qui a espéré qu’on « ne perde pas trop de temps » pour adopter le texte. Il devrait l’être trois ans après sa publication au Journal officiel de l’UE.

Les associations de consommateurs et les Verts européens étaient cependant bien moins enthousiastes, lundi. « Manifestement sous la pression de l’Allemagne, [les Etats membres] se sont accordés sur un paquet de demi-mesures qui risquent de faire de cette réforme un colosse aux pieds d’argile », a estimé Monique Goyens, la directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).

L’enjeu pour tous les insatisfaits va maintenant être de renforcer le niveau d’ambition du texte lors du « trilogue ». La Commission espère par exemple imposer que, lors des contrôles des véhicules déjà en circulation, le niveau des émissions de CO2 soit lui aussi systématiquement pris en compte.