L'affiche du Festival photo de la Gacilly, organisé en Bretagne à partir du 3 juin 2017.

Un Rolleiflex zébré posé sur un fond de wax. C’est coloré, doucement naïf et souligné par un titre d’une candeur confondante, « I Love Africa ». Le Festival Photo de La Gacilly (Morbihan), organisé en Bretagne à partir du 3 juin, était fier de son affiche 2017… du moins jusqu’à ce que les réseaux sociaux lui renvoient un écho moins enthousiaste, y compris de la part d’un photographe invité, le Franco-Ivoirien François-Xavier Gbré, 39 ans. En mars, il a posté sur Facebook ce message mi-figue mi-raisin :

« Coucou. Je suis un zèbre portant une culotte en wax qui travaille en 6x6 dans la savane. Mais encore ? Que nos travaux puissent déconstruire l’image stéréotypée, et quelque peu réductrice, encore largement installée dans les esprits. »

De fait, le condensé de stéréotypes relayés par l’affiche de La Gacilly a laissé pantois nombre d’Africains et de connaisseurs du continent, certains allant jusqu’à estimer que le titre, « I love Africa », utilisé dans ce contexte, leur rappelait le slogan publicitaire d’une marque de chocolat en poudre, « Y a bon Banania ».

Quelle mouche a bien pu piquer ce festival populaire, gratuit et sympathique, qui, chaque année, draine quelque 400 000 visiteurs dans un parcours photographique hors les murs ? « Une maladresse », selon Cyril Drouhet, rédacteur en chef photo au Figaro magazine et énergique commissaire d’exposition à La Gacilly, encore étonné de la colère que suscite l’affiche. « Il y a ni malveillance ni volonté de donner un cadre colonialiste à un événement qu’on veut généreux, se défend-il. Peut-être qu’on n’a pas pris en compte le passif, les susceptibilités. Mais se faire traiter de néocolonialiste, ça fait mal ! »

« Erreur innocente, mais grossière »

L’affiche du festival de La Gacilly est confiée depuis trois ans aux bons soins du graphiste Michel Bouvet, qui a notamment réalisé certains posters des Rencontres d’Arles. Cyril Drouhet l’admet : « Il a son esprit, il ne connaît pas l’Afrique. » Mais, poursuit-il, « ce n’est pas grossier. Si on mettait à la place d’un Rolleiflex un objectif Canon, cela n’aurait pas été terrible. Quant à la toile de fond en wax, on la voit aussi dans le travail d’Omar Victor Diop et de Seydou Keita ».

Le plus dommage, c’est que cette imagerie aux relents coloniaux masque une programmation de qualité, avec des photographes passionnants, comme Sammy Baloji, François-Xavier Gbré ou Aida Muluneh, ainsi que des totems de l’histoire de la photographie africaine, tels que les Maliens Seydou Keita ou Malick Sidibé. A l’exception de François-Xavier Gbré sur Facebook, les artistes invités ne se sont pas exprimés sur ces codes de communication. Malgré l’affiche, Cyril Drouhet entend bien « déjouer les clichés sur l’Afrique, car la réalité est tout autre ».

Pour ce faire, il dit avoir rencontré aussi bien les fondateurs de la Revue noire que le spécialiste de l’art contemporain africain André Magnin ou l’éditrice du numéro spécial Afrique de la revue L’Insensé. Mais sans doute aurait-il fallu intégrer un ou plusieurs de ces profils dans l’équipe, qui n’auraient pas laissé passer une telle boulette. « Je pense que c’est une erreur innocente, même si elle est grossière. Mais les amis : il vous suffit simplement d’impliquer des Africains dans vos organisations lorsque vous parlez Afrique. Regardez voir, nous sommes nombreux », ironise sur Facebook Anna-Alix Koffi, 37 ans, fondatrice franco-ivoirienne de la remarquable revue d’art contemporain Something We Africans Got. Tout est dit.

Festival Photo La Gacilly, du 3 juin au 30 septembre 2017.