Agences Societe générale, Credit agricole et BNP Paribas, à Rennes, en 2012. | DAMIEN MEYER / AFP

Un satisfecit… aussitôt suivi d’une mise en garde. Lundi 29 mai, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s’est réjoui de la croissance vigoureuse des crédits accordés à l’économie française, lors de la présentation du rapport annuel de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). « Cette dynamique, la plus forte d’Europe, s’est encore accélérée à fin mars », a-t-il souligné.

Les encours de crédits aux sociétés non financières ont en effet progressé de 5,4 %, et ceux des prêts aux ménages de 5,6 %. La hausse des crédits d’équipement des entreprises a même atteint 6,4 % à fin avril, soit le rythme le plus élevé constaté depuis mai 2009. Et l’encours total des crédits bancaires aux entreprises s’élevait à 934 milliards d’euros à cette date, contre 891 milliards un an plus tôt.

S’il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’économie française, le gouverneur a toutefois prévenu que « cette forte croissance d’ensemble peut mériter une vigilance globale et un examen par le Haut Conseil de stabilité financière », l’autorité macroprudentielle française chargée d’exercer la surveillance du système financier.

Appétit retrouvé des entreprises

Lors de la publication de leurs résultats du premier trimestre 2017, les banques françaises ont souligné la très bonne tenue de leur activité de crédit. Au sein du groupe Banque populaire, les encours ont par exemple enregistré une croissance de 7,1 %, à fin mars 2017 (par rapport au 31 mars 2016), et ils ont progressé de 6,2 % aux Caisses d’épargne. Dans les caisses régionales du Crédit agricole, la hausse s’est établie à 5,3 %.

Toutes les institutions financières constatent en particulier l’appétit retrouvé des entreprises pour le crédit. Chez BNP Paribas, l’accélération remonte à mars 2016, « mais le mouvement est encore plus soutenu depuis le début de cette année. Il concerne toutes les tailles de société, et traduit une volonté d’investissement supplémentaire de la part de leurs dirigeants, qui développent davantage de projets », note Denis Laplane, le directeur de la clientèle entreprises du réseau France de BNP Paribas.

Les banques précisent que les entreprises s’endettent pour renouveler leur matériel après plusieurs années de ralentissement des investissements ou pour l’achat de machines plus innovantes, « car elles ont conscience de la nécessité de se positionner sur de nouveaux marchés », analyse M. Laplane. « Fait particulièrement remarquable, les entreprises de taille intermédiaire [ETI] multiplient les opérations de croissance externe et recourent au crédit pour racheter des sociétés, notamment à l’international », précise-t-il.

« Perspectives favorables »

Dans les différents établissements, le coût du risque – les provisions passées pour faire face aux risques de crédits non remboursés – reste globalement faible, mais l’appel à la vigilance du gouverneur de la Banque de France trouve un écho. « La production de crédit est trop élevée compte tenu de la vigueur économique, reconnaît un grand patron de banque française. Des entreprises viennent nous voir parce que les taux sont très bas. Il y a un effet d’aubaine qui peut entraîner des PME à s’embarquer dans un projet de rachat mal ficelé, ou à se lancer dans une diversification risquée. Cela crée un petit risque potentiel. » L’inquiétude reste toute relative, mais « réveiller la croissance avec l’arme des taux bas expose à des départs de feu », résume ce banquier.

La dynamique devrait pourtant se poursuivre à court terme. « Les perspectives s’annoncent favorables, prévient M. Laplane. Compte tenu des carnets de commandes de nouvelles opérations à financer, la production de crédits va rester très importante dans les trois ou quatre prochains mois. »