Un long suspense devait s’achever à Washington, jeudi 1er juin dans l’après-midi. La veille, Donald Trump a annoncé sur son compte Twitter qu’il allait dévoiler sa décision sur le retrait ou le maintien des Etats-Unis dans l’accord de Paris (COP 21), conclu fin 2015, pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le président américain avait déjà annoncé, le 27 mai, à l’issue d’un G7 houleux sur le sujet, qu’il se prononcerait avant la fin de la semaine en cours. Aux Etats-Unis, plusieurs organes de presse avaient indiqué, mercredi matin, sur la foi de confidences de conseillers s’exprimant sous couvert d’anonymat, que M. Trump avait déjà tranché en faveur de la rupture. Interrogé sur ce point en milieu de journée, le porte-parole de la présidence, Sean Spicer, s’est gardé de tout commentaire.

Preuve de son caractère sensible, cette décision n’a cessé d’être repoussée. Au moins deux réunions présentées comme décisives ont été annulées en avril et en mai dans une Maison Blanche soumise à la pression de deux camps opposés.

Climatosceptique revendiqué

M. Trump avait initialement prévu de rendre son arbitrage avant le sommet du G7, les 26 et 27 mai en Sicile ; puis il avait décidé de reporter l’heure du choix après ce premier déplacement officiel à l’étranger. A cette occasion, les six autres dirigeants du G7, mais aussi le pape François, qui a reçu le dirigeant américain au Vatican le 24 mai, ont plaidé pour un maintien de Washington dans l’accord scellé lors de la COP 21.

Climatosceptique revendiqué, Donald Trump estime que le texte de Paris pénalise son pays, selon un proche conseiller du président rencontré le 18 mai et s’exprimant sous couvert d’anonymat. Parmi les avocats du maintien figurent le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, le secrétaire à l’énergie Rick Perry, le conseiller économique Gary Cohn et la fille aînée du président, Ivanka, soutenus par de grandes entreprises américaines. Ils se heurtent à un front d’adversaires résolus, principalement conservateurs, conduits par le responsable de l’agence de protection de l’environnement, Scott Pruitt, qui doute de la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Le conseiller stratégique de M. Trump, Steve Bannon, est lui aussi hostile à l’accord climat, considérant qu’il porte atteinte, comme tous les accords multilatéraux, à la souveraineté américaine.

Plusieurs scénarios de retrait

S’il se range finalement aux arguments des « anti-accord de Paris », M. Trump sera confronté à un autre dilemme, sur le scénario de sortie à privilégier. Le texte adopté en décembre 2015 offre deux possibilités de retrait, soumises chacune à des conditions strictes.

Un pays souhaitant dénoncer l’accord doit patienter trois ans à compter de son entrée en vigueur (intervenue le 4 novembre 2016), puis respecter un préavis d’un an avant de s’en libérer effectivement, précise l’article 28 du document. Les Etats-Unis pourront donc sortir de l’accord en novembre 2020… au moment de la prochaine présidentielle américaine.

Un pays peut aussi faire le choix de dénoncer non pas l’accord mais la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), autrement dit l’instance des négociations dont est issu l’accord de Paris. Un préavis d’un an seulement suffit alors pour débuter la démarche.

Cette option est tentante mais elle est risquée : alors qu’un décret présidentiel devrait suffire pour activer la sortie de l’accord, un passage par le Congrès pourrait se justifier pour extraire le pays de la Convention-cadre puisque c’est le Sénat des Etats-Unis qui avait entériné la ratification de la CCNUCC en 1992. S’il faisait ce choix, M. Trump aurait à faire face à une fronde tenace.

Un axe Chine-UE

Pour éviter ces voies étroites, le président et son administration ont avancé à plusieurs reprises l’idée d’une « renégociation » de l’accord climat. Mais cette option semble hors de propos puisque le texte de Paris ne s’articule pas autour d’objectifs négociés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais autour de contributions volontaires des Etats. « C’est un élément de langage de Trump, qui se traduirait concrètement par une révision à la baisse des engagements américains [réduction de 26 % à 28 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025] », interprète l’avocat spécialiste de ces questions, Sébastien Duyck.

En cas de retrait, Washington ne serait pas mis au ban des négociations sur le climat du jour au lendemain. « En revanche, en tournant le dos au multilatéralisme de la Convention-cadre, les Etats-Unis perdraient toute leur capacité d’influence », prédit M. Duyck. La diplomatie climatique se retrouverait dans une situation inédite après avoir été entraînée, pendant plusieurs années, par la locomotive américano-chinoise.

Sans attendre la fin du suspense à la Maison Blanche, Pékin part en quête d’un nouvel allié dans la lutte contre le réchauffement. Jeudi 1er et vendredi 2 juin, la Chine et l’Union européenne ont rendez-vous à Bruxelles. Elles ont déjà prévu d’adopter à l’issue de ce sommet une déclaration commune pour « confirmer leurs engagements envers l’accord historique » de Paris et « accélérer leur coopération pour améliorer sa mise en œuvre ».